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WINKLER JOSEF (1953- )

Dans le discours prononcé à Darmstadt à l'occasion de la remise du prix Büchner en 2008, Josef Winkler, né en 1953 en Autriche, raconte que sa toute première rencontre avec les livres se produisit lorsqu'il avait une dizaine d'années et qu'elle fit naître en lui un besoin de lecture si impérieux qu'il l'incita à dérober à son père – redoutable et redouté – l'argent que ce dernier lui refusait. Le jeune garçon découvrit ainsi La Peste, puis les autres livres de Camus, les existentialistes français, Soljénitsyne, Hans Henny Jahnn et surtout Jean Genet (qui lui a appris, dit-il, à faire passer sa rébellion dans l'écriture et auquel il a consacré un livre, DasZöglingsheft des Jean Genet [Le Cahier d'écolier de J.G.], 1992), et Julien Green, dont les restes reposent dans la ville de Klagenfurt, proche du village natal de Winkler.

Rien ne semblait prédisposer ce fils de paysans d'une bourgade retirée de Carinthie, dans le sud de l'Autriche, à devenir l'un des plus importants écrivains de sa génération. Rien si ce n'est le besoin impérieux de faire éclater le cadre étroit d'une éducation étouffante, soumise aux archaïsmes mortifères d'une famille conservatrice, d'un catholicisme castrateur, et d'un village, Kamering, reconstruit en forme de croix après avoir été réduit en cendres en 1897. Un siècle plus tard, le village tout entier porte et expie encore la faute. C'est dans ce climat sacrificiel que grandit le jeune Winkler. Quelques années plus tard, un événement tragique – le suicide de deux jeunes garçons à qui l'on refuse le droit de s'aimer – le bouleverse profondément. Il commence à tenir un journal, écrit un premier récit (publié dans la revue Manuskripte), dont il reprendra et développera le thème dans son premier roman, Menschenkind (L'Enfant, 1979).

Winkler publie dans la foulée Der Ackermann ausKärnten (Le Paysan de Carinthie) et, en 1992, Muttersprache (Langue maternelle, 2008). Avec ce dernier roman, il achève la trilogie réunie ultérieurement sous le titre DaswildeKärnten (La Carinthie sauvage). Ces trois romans sont un cri douloureux de haine et de souffrance, mais aussi de rébellion salvatrice contre la violence de l'autorité patriarcale, contre l'Église catholique castratrice, contre la répression dont les deux jeunes suicidés de Kamering ont fait l'objet, enfin contre toutes les formes de répression. Ils s'articulent autour des trois pôles constitutifs de la famille – l'enfant (Menschenkind), le père (Der Ackermann vonKärnten), la mère (Muttersprache). Très fortement autobiographiques, ils révèlent déjà toute l'esthétique de Winkler : un verbe cru, une écriture foisonnante, baroque, débridée, obsessionnelle et qui ne craint ni le morbide ni le scandale, une rhétorique du ressassement. Les livres font scandale, son père interdit à Winkler de revenir au village et, le moment venu, d'assister à ses funérailles. L'écrivain puise dans son enfance douloureuse la matière de plusieurs autres romans : (Der Leibeigene, 1987[Le Serf, 1993] ; Wenn es soweitist, 1998[Quand l'heure viendra, 2000]. L'écriture libère tout en ravivant les blessures.

Taraudé par le sentiment de culpabilité que lui a insufflé le catholicisme de son enfance, littéralement possédé par une passion conflictuelle pour le religieux, Josef Winkler a cherché et trouvé d'autres lieux – Rome (Friedhof der bitterenOrangen, 1990[Le Cimetière des oranges amères, 1998]) et Bénarès (Domra, 1996[Sur la rive du Gange, 2004]), mais aussi Mexico – où observer la religiosité des populations qui y affluent pour nourrir et exprimer leur mysticisme. Ces voyages marquent un tournant dans son œuvre. À Rome, l'ombre tutélaire des grands maîtres italiens l'incite à peindre, mais avec des mots, des scènes[...]

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Écrit par

  • : directrice de l'association Les Amis du roi des Aulnes, traductrice

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  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

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    ...que politique et religieux (catholique) sont l'un des thèmes communs à Elfriede Jelinek, Peter Turrini (né en 1944), Marlene Streeruwitz (née en 1950), Josef Winkler (né en 1953) et Werner Schwab (1958-1993). Alors que Jelinek ne croit pas à la possibilité d'échapper aux systèmes de pouvoir véhiculés...