CALVET JOSEPH (1897-1984)
Le violon offre de nombreux choix de carrière à ceux qui le jouent : musicien du rang d'un orchestre symphonique, soliste, partenaire d'un ensemble de musique de chambre. Celle-ci occupe une place de choix rarement appréciée à sa juste valeur ; or c'est elle qui réclame le travail le plus constant en compagnie de partenaires qui doivent devenir des alter ego, alors que le public concerné se limite trop souvent à une petite élite. Au sein de la musique de chambre, le quatuor à cordes occupe une place fondamentale car c'est vers lui que se sont tournés la plupart des compositeurs pour livrer souvent le fond d'eux-mêmes.
Les musiciens qui consacrent leur vie au quatuor n'ont donc rien de commun avec leurs collègues de l'orchestre ou les solistes. La compétence instrumentale n'est pas en cause : le quatuor réclame parfois bien plus d'habileté technique. Mais il y a une abnégation, une volonté de remettre sans cesse sur le métier un travail de joaillerie dans lequel rien ne se dissimule. C'est la voie qu'avait choisie Joseph Calvet.
Né à Valence-d'Agen (Tarn-et-Garonne) le 8 octobre 1897, il étudie le violon aux conservatoires de Toulouse (premier prix en 1904) et de Paris (premier prix en 1919). Disciple de Guillaume Rémy (1856-1932), lui-même élève d'Eugène Ysaÿe et de Lambert Massart, et violon solo d'Édouard Colonne, il est formé à l'école franco-belge du violon, comme Jacques Thibaud ou Georges Enesco. Dès 1919, il fonde son propre quatuor à cordes avec Léon Pascal (2e violon), Daniel Guilevitch (alto) et Paul Mas (violoncelle). Rapidement, son quatuor s'impose comme l'une des formations majeures de l'époque, digne de succéder aux légendaires quatuors Parent ou Capet et de rivaliser avec le quatuor Pro Arte formé en Belgique peu avant la guerre. En 1928, Nadia Boulanger incite le quatuor Calvet à présenter à Paris l'intégrale des quatuors de Beethoven, ce qui ne l'empêche pas de défendre la musique française et de s'ouvrir au répertoire de son temps : son enregistrement des quatuors de Debussy et de Ravel (1936), a fait longtemps autorité. Plusieurs compositeurs écrivent à l'intention du quatuor Calvet, qui crée ces partitions : Sextuor (1929) et Quatuor no 3 (1930) de Vincent d'Indy, quatuors de Marcel Delannoy (1931), Jean Françaix (1937), Florent Schmitt (1948) et Henri Sauguet (1949), œuvres de Guy Ropartz, Reynaldo Hahn...
Nommé professeur de musique de chambre au conservatoire de Paris en 1935, Joseph Calvet conserve sa classe jusqu'en 1968, initiant à la musique de chambre des instrumentistes comme Christian Ferras, Pierre Barbizet, Patrice Fontanarosa, Jean-Pierre Wallez, les membres des quatuors Parrenin, Via Nova, Bernède, Margand... Son enseignement comme ses interprétations sont marqués par un sens profond de l'équilibre et de la clarté, qui refuse la prédominance du premier violon pour recréer un véritable ensemble dans lequel toutes les voix soient perceptibles.
Sous l'Occupation allemande, le quatuor Calvet se disloque. Calvet fonde le Mouvement musical des jeunes et reprend ses activités en 1944 avec une nouvelle équipe (Jean Champeil, Maurice Husson et Manuel Recassens) : Léon Pascal avait fondé son propre quatuor en 1941 (qui deviendra le quatuor Pascal de la R.T.F. puis le quatuor de l'O.R.T.F.) et Daniel Guilevitch s'était fixé aux États-Unis, où il fera partie du Beaux-Arts Trio. Le quatuor Calvet poursuit ses activités jusqu'en 1950. À partir de cette date, Joseph Calvet se consacre à l'enseignement, au conservatoire ou à l'académie internationale d'été de Nice, et occasionnellement à la direction d'orchestre. À plus de quatre-vingts ans, il présidait encore le jury du concours international Marguerite Long-Jacques Thibaud.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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