CARDIJN JOSEPH cardinal (1882-1967)
La vie de Joseph Cardijn se confond avec celle d'une intuition apostolique qui aboutira à la naissance de la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.). Créée en Belgique, la patrie de son fondateur, la J.O.C. essaima dans la plupart des pays du monde. Issu d'une famille croyante et de condition modeste, Joseph Cardijn entre au petit séminaire à l'âge où la plupart de ses camarades deviennent ouvriers. Il constate (c'est le grand choc qui détermine sa vocation) que la plupart perdent la foi ou du moins abandonnent toute pratique religieuse. Dès avant son ordination (1906) et jusqu'à la fondation officielle de la J.O.C. (1924), il cherche le moyen de vaincre cette sorte d'incompatibilité de fait entre la condition ouvrière et la vie chrétienne vécue dans l'Église. Toute sa théologie, sa pédagogie, sa sociologie vont se concentrer sur la recherche de cette synthèse entre la condition du jeune travailleur dans sa vie ouvrière quotidienne et le dessein de Dieu réalisé dans cette vie même par l'Église.
C'est dans cette perspective qu'après son ordination Joseph Cardijn prolonge ses études à l'Université de Louvain, qu'il profite de ses moindres loisirs pour voyager dans différents pays d'Europe, en particulier d'Europe centrale, pour y étudier les problèmes des jeunes travailleurs. Aussitôt nommé vicaire dans une paroisse de la banlieue bruxelloise (1912), puis directeur des œuvres sociales de l'arrondissement de Bruxelles, il s'efforce de regrouper quelques jeunes ouvriers et ouvrières. Il crée un cercle d'études, un syndicat des apprentis, et prend une conscience plus aiguë du dénuement spirituel et intellectuel de ces jeunes. Il fait là sa première expérience de « jocisme », même si elle ne porte pas encore ce nom ; il est persuadé de la nécessité d'un mouvement destiné aux jeunes ouvriers et animé par eux, où ils apprendraient à réaliser l'unité de leur vie d'homme et de croyant. La guerre retarde ces projets, et c'est en prison que Cardijn rédige les notes qui sont à l'origine du Manuel de la J.O.C. À la fin des hostilités, alors que les militants laïcs qui entourent l'abbé Cardijn sont démobilisés, et parmi eux Fernand Tonnet, des sections de ce qu'on appela d'abord les Jeunesses syndicalistes se développent ; puis, les principales réticences vaincues, la J.O.C. voit le jour officiellement, en juillet 1924 (la J.O.C.F. naîtra un an plus tard). L'abbé Cardijn consacre alors la totalité de son ministère à sa responsabilité d'aumônier général. En 1924 également, il est reçu en audience par Pie XI, dont il reçoit, comme des autres souverains pontifes, d'importantes marques de confiance et d'encouragement.
L'abbé Cardijn n'est pas seulement le fondateur de la J.O.C. ; il en est, pour une large part, le théoricien ; ses définitions sont du reste reprises par les autorités religieuses comme étant l'expression la plus officielle de l'Action catholique. Le mouvement jociste part de la vie des jeunes travailleurs et les aide à voir, à juger en fonction du dessein de Dieu sur la Création, à agir en eux-mêmes, vis-à-vis des autres et avec eux. Le mouvement est dirigé et animé par des militants laïcs, soutenus par des aumôniers, et il doit être accueillant à tout jeune travailleur. L'idéal à atteindre n'est pas de « sauver » quelques personnes ; c'est toute la classe ouvrière qu'il faut transformer et reconquérir au Christ, les apôtres des ouvriers étant les ouvriers eux-mêmes. Après 1945, l'abbé Cardijn, comblé de distinctions religieuses, militaires et universitaires, consacre une large partie de son temps à voyager pour animer et consolider la J.O.C. internationale. Il est, en outre, membre de la commission préconciliaire pour l'apostolat des laïcs. Expert au concile, il fait des interventions[...]
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Écrit par
- Aline COUTROT : maître assistant à l'Institut d'études politiques de Paris
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