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CORNELL JOSEPH (1903-1972)

Un théâtre du merveilleux

Le Dictionnaire abrégé du surréalisme l'ayant inclus en 1938 parmi les surréalistes, il en est « choqué », comme s'il ne le méritait pas. Sa première exposition personnelle a lieu en 1939 à la galerie new-yorkaise Julien Levy. Ses boîtes inspirées par le ballet romantique, dont la Taglioni's Jewel Casket (1940), la poésie et le raffinement esthétique dont il fait preuve dans l'agencement des objets, des photos et des images l'imposeront aux yeux de Marcel Duchamp, qui recommandera à Peggy Guggenheim de lui en acheter deux en 1942, comme à ceux d'André Breton, de Matta et, à travers ce dernier, à ceux de Robert Motherwell et des artistes américains d'avant-garde. Sans doute l'absence d'école et d'études artistiques a-t-elle favorisé sa liberté et son audace naturelles de création, mais c'est sa culture littéraire et musicale d'autodidacte qui en a réglé la thématique : angoisse des grands espaces que reflètent ses fréquentes allusions à l'astronomie, nostalgie des grandes époques de l'art et en particulier de l'opéra (A Pantry Ballet for Jacques Offenbach, 1942), de la Florence des Médicis (dans sa série de larges boîtes intitulées Medici Slot Machine en 1942), culte du voyage imaginaire, dont la série consacrée aux « hôtels » porte les plus émouvants témoignages. Jouant sur les variations à partir d'un même thème, les boîtes sont réalisées par séries : palaces, pharmacies, hôtels, maisons, observatoires, etc. Tout se passe comme si Cornell avait voulu recréer dans ses boîtes un microcosme personnel de tous les fétiches de la beauté perdue.

Ce grand promeneur urbain, ce « paysan de New York » que fut Joseph Cornell devait redécouvrir, en 1951, la campagne, l'expansion du ciel, le chant des arbres et des herbes, alors que l'on commence à détruire de vieux immeubles dans les quartiers de sa jeunesse. Il publiera deux pamphlets à ses frais : Maria (1954) et Bel Canto Oet (1955) pour exprimer, à sa manière, son refus de la dégradation des valeurs poétiques auxquelles il croit. Mais cela ne l'empêche pas d'emprunter, pour ses collages, des images en couleurs à des magazines et à des livres contemporains : Arizona Highways, National Geografic Magazine, Art News, tout en continuant à s'intéresser à l'architecture en bois des années 1920. Il continue également de produire des courts-métrages constitués avec des photogrammes extraits de films préexistants : Gnir Rednow (1955), Centuries of June (1955). Le film de Rudy Burckhardt, What Mozart Saw on Mulberry Street, décrit cette nostalgie cornellienne de la rue aux vieilles vitrines et aux vieux balcons, son véritable théâtre mental. Il participera, à l'égal de Duchamp et de Schwitters, à l'importante exposition de 1961-1962, The Art of Assemblage, au Museum of Modern Art de New York. Affaibli, traînant depuis longtemps la jambe, affligé de migraines et d'insomnies, il voue une sorte d'amour mythique à une serveuse de coffee-shop, Joyce Hunster, qui lui volera neuf boîtes en 1964 et se fera assassiner trois mois plus tard.

Cornell rendra hommage, par ailleurs, à André Breton en 1966 par quelques collages où il utilise la photographie que Man Ray a faite du fondateur du surréalisme, dont il est certainement le plus grand représentant américain. Avant de mourir dans sa maison d'Utopia Parkway, il aura la joie en 1967 de voir sa première rétrospective au Pasadena Museum of Art et au Solomon Guggenheim Museum de New York.

— Alain JOUFFROY

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

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    ...moment tentés par l'alignement sur le surréalisme que propagent notamment les revues View ou VVV – et qui trouve dans les collages tridimensionnels de Joseph Cornell l'une de ses expressions américaines les plus originales –, vont surtout avoir le sentiment que ces deux tendances ne sont rien d'autre...