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MAISTRE JOSEPH DE (1753-1821)

Annonce prophétique d'un renouvellement

La fin de la révolution « ne sera pas une révolution contraire, mais le contraire de la révolution » : l'annonce fameuse de 1796 n'a pas, aux propres vues de son auteur, trouvé sa réalisation. Aux faiseurs de constitutions ont succédé les faiseurs de chartes ; à l'arbitraire des droits, celui de l'ordre. Chagrin infantile de l'utopique ? Il faut concéder que la pensée de Maistre est courte dans la construction d'une politique concrète. Les exigences les plus constamment affirmées ne sont pas sans ambiguïté ; au-delà de l'hommage nécessaire des peuples aux hiéroglyphes de leur origine, qu'impose concrètement le respect du fondement religieux des sociétés ? Et si le nom du roi est à lui seul la garantie d'une existence saine et libre, du moins pour les peuples européens, quelle souveraineté effective peut exercer dans les nations modernes ce roi qui n'est jugé par personne et qui ne peut juger personne ? L'orientation de plus en plus prononcée de Maistre vers la promotion de l' ultramontanisme correspond sans doute à une déception vis-à-vis de la politique européenne ; l'Église catholique reste la seule société visible dont on puisse espérer un développement fidèle aux profondeurs divines de l'origine instauratrice. D'elle seule Maistre attend désormais ce monde nouveau où les conquêtes légitimes des sociétés modernes seront mises au service d'une unité spirituelle vivante. Cette vision de l'avenir, où les millénarismes anciens se conjuguent avec les aspirations des Illuminés du xviiie siècle, assidûment fréquentés par Maistre depuis sa jeunesse, demeure cependant pour l'auteur des Soirées un conditionnel, au mieux le principe vraisemblable d'interprétation de la crise révolutionnaire. La tension proprement eschatologique ne se résout pas en messianisme ; l'espérance ne peut dissiper les inquiétudes du présent.

— Pierre VALLIN

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du christianisme et de théologie au centre Sèvres

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