DELTEIL JOSEPH (1894-1978)
Joseph Delteil est né à Villar-en-Val (Aude), d'un père bûcheron-charbonnier. Après la fin de la guerre, il s'installe à Paris. En 1922, son premier roman, Sur le fleuve Amour, étonne les surréalistes. En 1925, il obtient le prix Femina avec sa Jeanne d'Arc qui, deux ans plus tard, est utilisée par Carl Dreyer pour réaliser son célèbre film. Devenu auteur à succès, Joseph Delteil produit abondamment pendant quelques années romans, poèmes et biographies : Les Poilus (1926), Perpignan (1927), La Jonque de porcelaine (1928), La Fayette (1928), Il était une fois... Napoléon (1929), Saint don Juan (1930).
En janvier 1930, il rencontre la directrice de la Revue Nègre, Caroline Dudley, l'épouse et change complètement de vie : les deux jeunes gens quittent Paris et s'installent dans un vaste domaine, « La Tuilerie », situé près de Montpellier. Delteil devient alors vigneron et renonce presque entièrement à l'écriture puisque, en plus de quarante ans, il ne publiera guère que cinq ou six ouvrages, notamment : Jésus II (1947), François d'Assise (1960), La Deltheillerie (1968) et Le Sacré Corps (1976).
Les salons parisiens, non plus que ses succès littéraires, n'ont donc pu retenir dans la capitale ce fils de paysan. Il leur préféra la proximité quotidienne de la terre, au point que, pendant les dernières années de sa vie, il se proclamait volontiers « paléolithique ». N'éprouvant qu'une sympathie modérée pour la société de ses contemporains, il choisit définitivement une solitude dépouillée, mais hautaine. Le seul être dont il attendît du secours, à qui il acceptât de rendre des comptes, était le Christ, auquel le liait une foi d'ailleurs toute personnelle.
Cette attitude trouve sa juste illustration dans ses livres : les héros de Delteil, vrais ou imaginaires, ne sont jamais les porte-parole d'une morale sociale. Ils n'ont pas l'intention de réformer le monde, mais suivent leur propre route avec entêtement. En eux, le thème païen de la fatalité se mêle assez curieusement à la vocation que Dieu leur a choisie, si bien que leur route semble toute tracée, où qu'elle les conduise. Delteil est fasciné par les grandes figures d'initiés, métamorphosés par l'amour, qu'il soit profane ou divin. Leur morale est élémentaire, voire primitive (et Delteil n'aurait pas désavoué ce mot) : amour, charité, grandeur d'âme, sens du sacrifice, on retrouve l'Évangile dans toute sa force et sa simplicité.
Il n'est pas inutile d'observer que l'itinéraire suivi par les personnages les plus réussis de Joseph Delteil ressemble à celui qu'il a lui-même choisi : enfance modeste, réussite sociale brillante, puis retour à l'obscurité. C'est bien le cas de François d'Assise, de Saint don Juan (qui n'est pas Tenorio, lequel mourut foudroyé, mais celui de Mañara, qui termina sa vie dans un monastère). C'est encore le cas de Jésus II, moderne incarnation du Christ.
L'écriture de Joseph Delteil est celle d'un poète, savoureuse, pleine de couleurs et de générosité. Les mythes universels illustrés par ses héros, et qu'on aurait pu croire usés, renaissent dans une langue vive et personnelle qui affectionne les tournures patoisantes et les mots du terroir.
Vigneron septuagénaire, comparant la vie qui a failli être la sienne et celle qu'il a choisie, Joseph Delteil n'a pas résisté à la satisfaction de moraliser. Dans La Deltheillerie (1967), il donne les fondements d'une sagesse rustique et bon enfant. Une sagesse peuplée de rêves et de recettes de vie quotidienne qui échappent aujourd'hui au commun des mortels, mais sur lesquelles il n'est pas impossible de rêver à son tour. Et puis, Joseph Delteil ne s'intéressait guère au commun des mortels.
Il est mort, à La Tuilerie, au[...]
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Écrit par
- Jacques BENS : écrivain
Classification
Média