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FOUCHÉ JOSEPH (1759-1820) duc d'Otrante (1809)

Joseph Fouché - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Joseph Fouché

Fils d'un capitaine de navire nantais, Fouché semble n'avoir jamais été ordonné prêtre de l'Oratoire, bien qu'il ait longtemps enseigné dans les collèges de la congrégation ; contrairement à la légende, il ne devra donc pas défroquer à proprement parler pour se marier au début de la Révolution. Député de la Loire-Inférieure à la Convention, Montagnard et régicide, il ne se met vraiment en vedette que dans les missions dont il va être chargé. Dans la Nièvre d'abord, il prend des mesures énergiques pour faire payer les riches et combattre le christianisme ; sur la porte d'un cimetière, il ordonne d'inscrire : « La mort est un sommeil éternel. » À Lyon ensuite, il fait régner la Terreur, de concert avec Collot d'Herbois. S'il est rappelé par le Comité de salut public à la fin de mars 1794, ce n'est pas uniquement (ni même surtout, peut-être) pour le nombre excessif des exécutions capitales qu'il a ordonnées, mais parce que Robespierre le sait en communauté de pensée et d'action avec les hébertistes. De retour à Paris, Fouché se défend avec plus d'habileté que les autres suspects ; il réussit à se faire élire président des Jacobins, dont Robespierre parvient à grand-peine à le faire exclure après un véhément réquisitoire. Dans l'ombre, Fouché réunit les fils de la conjuration qui va terrasser l'Incorruptible peu de jours après : il y joue froidement sa tête ; on peut penser qu'il est convaincu de défendre aussi une certaine ligne extrémiste de la Révolution. Une chose est certaine en tout cas : si Fouché a été un des principaux acteurs du drame de Thermidor, il n'a jamais pactisé avec la politique des Thermidoriens. Dès l'automne de 1794, il est lié avec Babeuf et lui fournit des fonds pour publier son journal ; sa main ne semble pas non plus être étrangère à l'action des derniers Crêtois (ceux qui veulent résister à la réaction en se tenant sur la crête de la Montagne décimée) ; la droite obtient son arrestation en août 1795.

Libéré par amnistie juste avant l'avènement du Directoire, obligé pour plusieurs années à végéter dans des besognes obscures, Fouché tire silencieusement la leçon du réel : la violence révolutionnaire a échoué, et sa possibilité d'être efficace ne reviendra pas de sitôt ; il faut, plutôt que se briser en vains efforts, se retrouver présent dans le nouveau cours des choses et s'y rendre influent pour parvenir, au sens exact du mot, à le « gauchir » dans toute la mesure du possible. Ne pas faire obstacle à ce qui doit arriver, donc y prêter la main pour être en bonne place, et tout faire pour sauver tout ce qui peut être sauvé de la Révolution, quoi qu'il arrive. « Pourquoi vous en allez-vous ? demandera-t-il encore à un de ses acolytes en 1815. Il faut toujours rester sur le terrain. » Ce genre de maxime oblige à plus d'une compromission et, si l'on tient absolument au mot, à plus d'une trahison : on peut reprocher tout ce qu'on voudra à Joseph Fouché, sauf d'avoir manqué de moralité dans sa vie privée, de génie dans sa vie politique et de fidélité profonde à sa ligne de conduite.

Cette ligne de conduite, il va l'appliquer dès qu'il se trouve nommé ministre de la Police par Barras et Sieyès le 20 juillet 1799 (après être graduellement sorti de l'ombre par quelques adroites missions pro-jacobines dans les Républiques cisalpine et batave). Son premier soin est de réorganiser entièrement ses services et de renouveler son personnel en choisissant des hommes aussi qualifiés que sûrs. L'ancien terroriste de Lyon se révèle le policier le moins porté du monde à la répression ; il sévit le moins possible, uniquement sur ordre, et on ne compte plus tous ceux dont il s'ingénie à sauver la tête ou qu'il fait prévenir en secret pour[...]

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