JOSEPH FRANÇOIS JOSEPH LECLERC DU TREMBLAY dit LE PÈRE (1577-1638)
Issu d'une bonne famille de parlementaires (son père a été président aux requêtes du Parlement de Paris, puis ambassadeur à Venise, enfin chancelier de François d'Alençon), le père Joseph se situe donc dans un milieu étonnamment ouvert, marqué à la fois par le service de l'État et par l'intérêt profond pour les questions religieuses. Capucin en 1599, il se consacre à la réforme de son ordre, fonde, en 1606, celui des Filles du Calvaire, prêche des missions pour le Canada et la Turquie, qui le font remarquer de la cour. Il est, en un mot, l'une des figures importantes de la Réforme catholique. Abbé des Roches, près de Fontevrault, il fait, en 1611, la connaissance de Richelieu, alors évêque de Luçon. De là date sa carrière politique, qui a suscité une bibliographie parfois hautement romanesque. Si l'on suit Tallemant des Réaux, il « n'y eût jamais un homme plus intriguant, ny un esprit de plus de feu ». Et d'ajouter : « Ce n'était pas un sot, il soulageait le Cardinal, et le Cardinal ne faisait pas un pas sans luy. » Disons qu'il a été l'« éminence grise » des grands projets un peu chimériques et celui des préparations minutieusement implacables. À mi-chemin entre la politique et la réalité, il rêve d'une grande croisade antiturque, rêve sans doute hérité de son père, en tout cas entretenu par un entourage complexe où se côtoient Mme de Rohan, Charles de Gonzague (le père de la reine de Pologne), l'ancien ambassadeur à Constantinople Savary... Dans la réalité, il est l'homme lige de Richelieu contre la maison d'Autriche. Il est pour beaucoup, avec l'ambassadeur de Charnacé, dans l'entrée de la Suède dans la guerre de Trente Ans. Son chef-d'œuvre diplomatique fut la coalition des princes allemands contre l'empereur à la diète de Ratisbonne. À l'intérieur, il dirige le « réseau de renseignements » de Richelieu. Tallemant affirme « qu'on a cru que les diableries de Loudun ne fussent point arrivées sans luy » : les Capucins y jouent, en effet, un rôle important. Il est difficile de juger équitablement un homme aussi complexe. Il appartient à son temps, dont il épouse intimement les croyances et la facilité de franchir des frontières morales que l'homme du xxe siècle serait, un peu trop facilement, tenté d'appeler infranchissables. En lui, réforme religieuse et passion politique au service du royaume se rejoignent pour faire de ce mystique un homme d'action.
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification
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