LAFITAU JOSEPH-FRANÇOIS (1681-1746)
Missionnaire jésuite et excellent analyste des sociétés indiennes d'Amérique du Nord, Joseph-François Lafitau naît à Bordeaux en 1681 et est le frère de Pierre-François Lafitau (1685-1764), évêque de Sisteron, qui s'illustrera lors des négociations menées par la cour de France à Rome (1716-1721) et par son opposition aux jansénistes. Établi parmi les Iroquois de Sault-Saint-Louis, de 1712 à 1717, Lafitau décrit la vie de ceux-ci et livre ses observations dans Mœurs des sauvages américains, comparées aux mœurs des premiers temps (1724). L'écrit représente par ses qualités l'une des premières descriptions proprement ethnographiques dont on dispose sur ces populations . Lafitau réclame que l'on apprécie les données culturelles des tribus indiennes en elles-mêmes et en fonction des conditions mêmes d'existence des Indiens, une description faite dans les termes et suivant les canons de la culture européenne lui semblant peu éclairante. La similitude de traits culturels entre nations, surtout à des époques différentes, lui semble ne devoir être admise qu'avec les plus grandes réserves et Lafitau, pour ce faire, ébauche différentes règles d'anthropologie comparée. Enfin, l'auteur émet l'idée que l'étude des cultures primitives de son époque peut éclairer la connaissance que l'on a des cultures de populations éteintes et pour lesquelles on ne possède que des données fragmentaires.
Ouvrage d'observation, les Mœurs sont aussi une chronique des expériences d'un missionnaire. Lafitau, contre toutes les remarques méprisantes qui seront formulées par les colons blancs dans le siècle suivant, témoigne de la « civilisation » des Indiens Hurons et Iroquois : louant leur maîtrise de soi, leur civilité et leur sens de l'hospitalité, il précise que toutes ces tribus, naturellement pacifiques, « conservent au moins des traces d'une religion ancienne qui leur a été transmise par leurs ancêtres et possèdent une forme de gouvernement ». L'importance des observations de première main livrées par Lafitau devait être soulignée par les anthropologues Arnold van Gennep et Wilhelm Schmidt et sa contribution à l'ethnologie comparée présentée par Van Gennep en 1913 dans « Contributions à l'histoire de la méthode ethnographique » (in Revue de l'histoire des religions).
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Écrit par
- Yves SUAUDEAU : éditeur, fondateur d'Ouest Éditions
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