JOSEPH Ier (1678-1711) empereur germanique (1705-1711)
Véritable enfant du miracle, porteur de tous les espoirs d'une dynastie en voie d'extinction, l'archiduc Joseph témoigne jusque dans son nom même (un vœu de son père Léopold Ier à saint Joseph) de l'alliance étroite entre la maison d'Autriche et le catholicisme romain. Jusqu'alors, Léopold Ier avait eu seulement une fille, Marie-Antoinette, née de son premier mariage, et aucun enfant du second. La naissance d'un frère cadet, l'archiduc Charles, et l'extinction assurée de la branche aînée de la maison de Habsbourg en la personne du stérile Charles II d'Espagne allaient décider du destin du jeune Joseph : il régnerait à Vienne, son frère irait à Madrid. Couronné roi de Hongrie à neuf ans, Joseph fut élevé en prince allemand par son précepteur Wagner de Wagenfels. Il monta sur le trône impérial pendant la guerre de Succession d'Espagne, en 1705, alors que son frère, installé en Catalogne, défendait les droits de la maison d'Autriche au trône d'Espagne contre Philippe V, petit-fils de Louis XIV. La monarchie autrichienne était engagée à fond dans la guerre européenne, aux côtés de l'Angleterre et des Provinces-Unies, et, au cours des six années de son règne, il n'eut pas le temps de réaliser les réformes qu'il eût souhaité faire. Certes, il avait hérité d'un État beaucoup plus puissant que n'était la monarchie au lendemain de la paix de Westphalie ; en un demi-siècle, la monarchie autrichienne était devenue une grande puissance. Depuis 1699, elle avait reconquis toute la Hongrie sur les Turcs et en avait fait un royaume héréditaire. Pays tchèque et autrichien s'étaient relevés des ruines causées par la guerre de Trente Ans et par les ultimes incursions ottomanes. L'empereur pouvait mobiliser et entretenir une importante armée (environ 200 000 hommes) et ses troupes faisaient peser une lourde menace sur la France, sur l'Italie du Nord et sur les Pays-Bas. Mais l'insurrection hongroise, dirigée par le prince François II Rakoczy, constituait un danger pour la sécurité même de la capitale et mettait en cause l'intégrité de la monarchie. Avant de penser aux réformes, il fallait songer à combattre.
Le jeune souverain était très différent de son père, au physique comme au moral. Nationaliste allemand, il fut le premier Habsbourg à se détourner de la culture romane ; dans le domaine confessionnel, il fut un catholique moins convaincu que ses prédécesseurs, interdisant aux prédicateurs toute attaque contre les protestants. Il condamna avec enthousiasme les deux Électeurs (Cologne et Bavière) alliés au roi de France et fit la guerre au pape Clément XI qui avait pris le parti des Bourbons. Plus tard, on vit en lui le précurseur de Joseph II, mais il ne faudrait pas pousser trop loin la comparaison. Joseph Ier possédait de bons conseillers, parmi lesquels le prince Eugène de Savoie, de sorte qu'il est difficile de savoir quelle part lui revient dans les succès de son règne. Il est sûr qu'il a sévèrement jugé les lenteurs et les hésitations de la politique paternelle (alors qu'il était prince héritier) et qu'il était décidé à gouverner énergiquement. Mais était-ce possible ? D'une part, il manquait de cette persévérance et de cette ténacité qui font les grands administrateurs, ainsi que de cette capacité de travail indispensable pour contrôler l'appareil bureaucratique autrichien, car dans son ardeur juvénile il préférait le jeu, la musique et la danse aux tâches ingrates du « métier de roi » ; d'autre part, les Habsbourg ne pouvaient gouverner qu'avec l'accord de l'aristocratie qui préservait jalousement ses prérogatives politiques, tant à Vienne que dans les provinces.
Lorsqu'il mourut à trente-trois ans de la variole, sa disparition posa un véritable[...]
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Écrit par
- Jean BÉRENGER : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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