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KOSUTH JOSEPH (1945- )

Joseph Kosuth a appartenu au noyau d'artistes qui formèrent l'art conceptuel, mouvement dont la ligne directrice consistait à donner la prévalence à l'idée, à la conception et à la formulation des œuvres au détriment de leur matérialité. Il s'agissait du groupe américain constitué par Robert Barry, Douglas Huebler, Lawrence Weiner et lui-même, et du groupe anglais Art & Language (Terry Atkinson, Michael Baldwin, Charles Harrison).

Le langage comme médium

Le parcours de Joseph Kosuth est fulgurant : né en 1945 à Toledo (Ohio, États-Unis), ses premières œuvres de 1965 sont remarquées et aussitôt discutées par le milieu artistique américain, surtout à partir de 1967, lors de sa première exposition publique (Lannis Gallery, New York). À cette époque, il organise lui-même des cours à la School of Visual Arts et, dès lors, ne cessera plus de mener de front diverses activités intellectuelles et artistiques : directeur de galerie (en 1967, il fonde à New York la Lannis Gallery), critique d'art, collaborateur de revues (notamment Art & Language et The Fox), conférencier, professeur, organisateur d'expositions, théoricien. Pour Kosuth, la production de textes théoriques est inséparable de la production d'œuvres car le texte crée un lien entre l'objet artistique et la réflexion sur celui-ci, c'est par lui que l'idée et la conceptualité prennent le pas sur la matérialité de l'œuvre.

Conformément à ces principes, l'œuvre de Kosuth consiste essentiellement en installations dans des galeries et des musées ou bien en interventions dans la rue. N'ayant donc pas de véritable atelier, l'« idéaste » qu'est Joseph Kosuth partage sa vie entre New York et différentes villes d'Europe, et ses œuvres sont le résultat d'un travail sur la conception.

Issu de ce bref moment qu'est l'art conceptuel – il dura de 1967 à 1972 –, le travail de Joseph Kosuth en est assurément la meilleure représentation puisqu'il fut à l'origine de cette esthétique qu'il diffusa et qui occupe une place fondamentale dans l'histoire de l'art du xxe siècle. Son œuvre marque un tournant dans l'art contemporain par la volonté de se servir du langage comme un nouveau moyen d'expression plastique, mais surtout comme le médium qui permet de remettre en question la nature même de l'art. Le langage possède les structures idéales pour simultanément interroger le monde et se réfléchir lui-même. Deux composantes principales seront ainsi à la base de son travail : l'appropriation du langage compris comme matériau – grâce à la manipulation de textes déjà existants empruntés le plus souvent aux sciences humaines (histoire, psychanalyse, philosophie, linguistique, ethnologie, sociologie) mais aussi au vocabulaire publicitaire ou politique – et la mise en forme de ces textes dans une œuvre qui met en avant son système autoréférentiel. Suivant en cela Marcel Duchamp, Joseph Kosuth affirme le caractère linguistique des œuvres artistiques, dont le but premier est de mettre en relief l'idée qu'elles contiennent. Pour lui, l'art est intimement lié au langage dans la mesure où ce dernier conditionne tant sa production que sa compréhension, puisque saisir la fonction, la signification et l'usage de l'art implique nécessairement une prise en compte des formulations, des énoncés et des phrases dont nous nous servons pour le fabriquer et pour en parler.

C'est ainsi que, pour Kosuth, une œuvre d'art fonctionne comme « une proposition présentée dans le contexte de l'art pour s'en faire le commentaire ». Les œuvres peuvent faire usage du langage écrit, peint, imprimé, photographié, donnant à voir au spectateur le processus matériel de leur réalisation et leur simple autoréférence.

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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