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LIOUVILLE JOSEPH (1809-1882)

Travaux mathématiques

Les deux premiers volumes du « Journal de Liouville » (1836-1837) contiennent six mémoires, les uns de Liouville, les autres de son ami C.  Sturm, sur le problème qui porte aujourd'hui leurs deux noms (cf. équations différentielles, chap. 3) : Étant donné les fonctions p et q continues positives sur l'intervalle[a, b], pour quelles valeurs du paramètre réel λ l'équation différentielle linéaire homogène :

a-t-elle des solutions y ≡/ 0 telles que y′/y prenne des valeurs données en a et en b ? La précision de leurs résultats et l'originalité de leurs méthodes sont également remarquables ; les résultats amenèrent des théories fécondes (cf. équations intégrales, chap. 1), et les méthodes se prêtèrent, sous le nom d'intégration qualitative, à de nombreuses autres recherches des solutions d'une équation différentielle.

En arithmétique, Liouville publia énormément : sur les fonctions d'un entier n liées aux diviseurs de n, sur les décompositions de n en sommes de carrés ; sur les nombres premiers congrus à p modulo q. Mais son nom reste attaché à une courte note du 20 mai 1844 aux comptes rendus de l'Académie des sciences, où il démontre ce théorème : Si l'irrationnel x est racine d'une équation algébrique de degré n, il existe une constante A(x) telle que :

pour tout rationnel p/q. Ce théorème permit pour la première fois d'obtenir explicitement des nombres transcendants, qu'on appela nombres de Liouville ; il n'était d'ailleurs pas définitif, et d'importants travaux eurent pour objet de l'améliorer.

L'autre théorème de Liouville, celui des analystes, dit qu'une fonction entière de la variable complexe z, ou la somme d'une série entière convergente quel que soit z, ne peut être bornée sur tout le plan sans être constante. Liouville l'établit dans un de ses cours, consacré aux fonctions doublement périodiques, car il en déduisit qu'une telle fonction ne peut être holomorphe sans être constante. Malheureusement, ce cours ne laissa de trace écrite que sur les cahiers de ses auditeurs, d'où une querelle de priorité avec Cauchy. Celui-ci affirma que ses propres travaux contenaient tout le nécessaire pour démontrer le « principe de M. Liouville », ce qui était parfaitement vrai, mais encore fallait-il y penser ; et c'est Cauchy qui énonça ce principe comme suit : « Toute fonction F(z) qui, offrant une dérivée unique pour toute valeur de z, varie avec z par degrés insensibles, et ne devient jamais infinie, se réduit nécessairement à une constante. » En vérité les mathématiciens d'aujourd'hui doivent beaucoup à leurs aînés qui mirent au point le langage de l'analyse !

Signalons enfin quelques autres travaux de Liouville publiés dans son journal : mémoire sur les fonctions algébriques et les fonctions transcendantes (no 2, 1837) ; mémoire contenant diverses propriétés des courbes algébriques (no 6, 1841) ; si d'un point A du plan on mène les deux tangentes AM, AM′ à une conique, AM3 et AM′3 sont proportionnels aux rayons de courbure en M et M′ (no 9, 1844) ; importante simplification de la formule de Gauss qui donne la courbure totale d'une surface connaissant sa première forme quadratique (no 16, 1851).

— Michel HERVÉ

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