TURNER JOSEPH MALLORD WILLIAM (1775-1851)
Turner est, au xxe siècle, l'un des artistes anglais les plus renommés dans le monde. Il était déjà fort célèbre de son vivant, tant en Grande-Bretagne que dans le reste de l'Europe, où ses travaux avaient amplement été diffusés par la gravure. Mais il n'acquit en fait sa véritable stature qu'après sa mort, d'abord par le legs qu'il fit à la nation britannique de son considérable fonds d'atelier, incomparable source d'étude, ensuite par l'évolution ultérieure de la peinture européenne, qui permit de voir en lui un précurseur, notamment de l'impressionnisme. Cette perception, qui ne manque pas de vérité, mais reste peut-être trop simpliste, univoque et fondée essentiellement sur une analyse rétrospective, s'est effacée devant une vision plus historique, qui prend en compte l'ensemble du travail de Turner, qui intègre ses relations complexes avec ses maîtres et ses contemporains, et le replace dans le contexte élargi de la peinture anglaise et européenne, sans se limiter à la notion trop restrictive d'un peintre « visionnaire » ou « romantique ». Les années 1980 ont ainsi été marquées par un enrichissement et un renouvellement constants de son image, tant chez les historiens de l'art que pour un plus vaste public.
J. M. W. Turner, membre de la Royal Academy
Turner, fils d'un barbier de Londres, suivit le parcours classique des artistes de son temps, en étudiant, à partir de 1789, à la Royal Academy. Il avait été employé comme dessinateur par divers architectes et travailla également comme coloriste chez des graveurs réputés. Les années 1792-1796 sont essentielles dans sa formation : premiers voyages d'études au pays de Galles et dans le Kent en quête de paysages et de vues pittoresques, rencontre de Thomas Girtin avec lequel il se lie d'amitié et auprès de qui il se perfectionne dans l' aquarelle, rencontre également de ses premiers mécènes, Thomas Monro et le banquier Richard Colt Hoare. Turner, qui avait exposé dès 1790 des aquarelles à l'exposition annuelle de la Royal Academy, y présenta pour la première fois en 1796 une huile sur toile, favorablement accueillie par la critique. Il y participa désormais, à peu près chaque année, par l'envoi d'un ou de plusieurs tableaux. Associé en 1799, il était élu académicien à part entière en 1802. Artiste désormais connu et réputé (il ouvrit, en 1804, une galerie privée pour la présentation de ses œuvres), apprécié et estimé de ses pairs, il ne manquait pas de clients. Il noua ainsi d'étroites relations amicales avec certains de ses collectionneurs et admirateurs, Walter Fawkes, lord Egremont, plus tard Hugh Munro of Novar. Sa vie était entièrement organisée autour de son travail : expositions et cours à la Royal Academy (il y fut professeur de perspective de 1807 à 1837, enseignant uniquement entre 1811 et 1828), séjours chez ses protecteurs où il approfondissait ses recherches, voyages en Grande-Bretagne et sur le continent en quête de sujets pour réunir la documentation nécessaire à tel ou tel projet de publication qu'il avait en vue.
Turner, après une première incursion à Paris en 1802, repassa ainsi ensuite régulièrement la Manche entre 1817 et 1845, parcourant la France, la Belgique, la Rhénanie et les Pays-Bas, mais séjournant aussi longuement en Italie. Il ne cessait, durant ces voyages, de remplir ses carnets de croquis de dessins ou de rapides aquarelles, fondement de tout son travail de paysagiste, effectué ensuite entièrement en atelier. Il put également, lors de ses voyages, étudier de près la peinture européenne, tant ancienne que contemporaine, nourrissant son admiration pour les maîtres de la Renaissance et les artistes italiens et français du xviie siècle. Mais il eut peu de relations en dehors du milieu artistique britannique, où se déroule[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Médias
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