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ROVAN JOSEPH (1918-2004)

Pionnier de l'entente franco-allemande et grand spécialiste de l'Allemagne, Joseph Adolphe Rosenthal (il prend le nom de Rovan après la guerre) est né le 25 juillet 1918 à Munich, dans une famille d'industriels d'origine juive, convertie au protestantisme ; il vit à Vienne (1921-1929), puis à Berlin. Hostiles à Hitler et au nazisme, ses parents émigrent à Paris dès avril 1933. Il les rejoint en 1934, passe le baccalauréat et fait des études universitaires (allemand, sciences politiques et droit).

Brièvement mobilisé en 1940, il refuse d'émigrer aux États-Unis afin de lutter en France contre le fascisme et pour une Europe démocratique. « Ce jour-là, disait-il, je suis devenu Français ». À Lyon, il prend en charge le service « identité » des Mouvements unis de la Résistance pour la zone Sud, qui fabrique et distribue de faux papiers ; il participe au sauvetage d'enfants juifs.

Arrêté en février 1944 à Paris, il est incarcéré à Fresnes (où il se convertit au catholicisme), torturé par la Gestapo et envoyé en juillet au camp de concentration de Dachau, près de Munich. Il y devient l'ami d'Edmond Michelet, responsable de mouvements catholiques et résistant de la première heure. Ce fervent gaulliste, ministre sous la IVe et la Ve République, prendra Joseph Rovan comme chargé de mission dans ses différents cabinets. Les Contes de Dachau donnent un récit poignant et plein d'humour de l'univers concentrationnaire.

Revenu à Paris, il sera simultanément secrétaire de rédaction auprès d'Emmanuel Mounier à Esprit (revue qu'il appréciait beaucoup) et membre du cabinet du ministre des Armées (1945-1946) où il s'occupe des prisonniers de guerre allemands. Responsable de l'éducation populaire en Allemagne dans le cadre de l'occupation française (1948-1951), il développe le système d'éducation des adultes et les activités culturelles extra-scolaires. Expert pour la culture populaire auprès de l'U.N.E.S.C.O. (1953-1958), il effectue une longue mission en Italie. Il s'intéresse beaucoup à la télévision comme vecteur culturel.

À partir de 1958, il retrouve Edmond Michelet (au ministère des Anciens Combattants en 1958, à la Justice en 1959-1960, à la Fonction publique en 1967-1968). Secrétaire général de Peuple et Culture (1969-1978), il appartient aussi au conseil d'administration de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (1963-1969). Il devient en 1975 vice-président délégué au Bureau international de liaison et de documentation (B.I.L.D.), la plus ancienne des associations franco-allemandes, qu'il préside de 1982 à 2001 ; il dirige en même temps la revue des questions allemandes Documents.

À ces activités multiples s'ajoutent des correspondances régulières pour la presse allemande (écrite et radiophonique). Historien réputé de l'Allemagne, il dirige le Département d'allemand de l'université de Paris-Vincennes à partir de 1969, avant d'être élu professeur de civilisation allemande à Paris-III Sorbonne nouvelle (1981-1986).

Tout juste revenu de Dachau, il publie dès le 1er octobre 1945 dans Esprit : « L'Allemagne de nos mérites », un article très remarqué, et souvent cité depuis, sur la coresponsabilité franco-allemande dans l'Europe à construire. Pendant près de soixante ans, il s'affirme, au côté d'Alfred Grosser, comme « l'interprète, l'explicateur et le médiateur » entre la France et l'Allemagne. Son œuvre porte sur l'Allemagne, ses forces profondes, ses dirigeants (Bismarck, Adenauer et Kohl), mais aussi sur la démocratie, les relations franco-allemandes et l'Europe. Conseiller et ami du chancelier Helmut Kohl, il avait reçu de nombreuses distinctions et décorations.

Il a été emporté par une crise cardiaque, le 27 juillet 2004, en se baignant dans[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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