STIGLITZ JOSEPH (1943- )
L’économiste américain Joseph Stiglitz est un représentant majeur du courant néokeynésien. Il a reçu le prix Nobel d'économie en 2001 – partagé avec George Akerlof et Michael Spence – pour ses apports à l'économie de l'information. Dès l’annonce de ce prix, Stiglitz n'a pas failli à sa réputation et s'est empressé de dénoncer les baisses d'impôt décidées par le président George W. Bush, l'idéologie du tout privatisable et l'hypocrisie américaine vis-à-vis des paradis fiscaux. Après une longue carrière marquée par une rébellion peu commune dans l'univers feutré des institutions internationales, l’économiste conserve son franc-parler.
Chantre du néo-keynésianisme
Joseph Stiglitz naît le 9 février 1943 à Gary, dans l'Indiana, une ville sinistrée par le déclin de ses activités industrielles. Son père, Nat, a vendu des contrats d'assurance jusqu'à plus de quatre-vingt-dix ans, tandis que sa mère enseignait l'anglais aux immigrants.
Après sa licence au Amherst College, il obtient une bourse pour préparer son doctorat (1967) au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ses projets de recherche intéressent plusieurs fondations qui financent ses travaux en même temps qu'il enseigne la politique économique au All Souls College d'Oxford. À vingt-six ans, en 1969, il devient professeur à Yale, puis il quitte sa chaire en 1979 pour Princeton où il enseigne jusqu'en 1988, date à laquelle il est nommé à l'université Stanford.
Stiglitz appartient au courant de pensée des « nouveaux keynésiens », ces économistes qui ont introduit dans la problématique keynésienne (de nature macroéconomique) l'étude des comportements individuels (de nature microéconomique). Avec eux, Stiglitz contribue à fonder la nouvelle microéconomie qui, depuis les années 1970, se démarque des hypothèses de marchés parfaits propres à la théorie walrasso-parétienne. Selon lui, les défaillances du marché (marketfailures) laissent une place à l'intervention de l'État et à l'instauration de règles volontaristes adoptées par la négociation ou le compromis. Les rigidités existent mais elles résultent des comportements des individus confrontés à deux phénomènes particuliers : l'incertitude et l'asymétrie de l'information.
À défaut de connaître le futur et de pouvoir prendre des décisions rationnelles, les agents ne s'engageront sur le marché (du travail, du crédit, du foncier, etc.) qu'à travers des contrats négociés entre eux. L'information des agents contractants est cependant asymétrique : acheteurs et vendeurs ne disposent pas des mêmes informations sur les biens qu'ils échangent. D'où une inégalité entre le « principal » (aussi appelé le mandant) et l'« agent » (le mandataire), l'agent pouvant exploiter sa rente informationnelle au détriment du principal.
Stiglitz applique cette théorie aux contrats d'assurance. Il montre par exemple qu'un assuré potentiel à faible risque quittera son assureur s'il constate que des contractants présentant plus de risques paient la même prime que lui. Ce départ contribuera à diminuer la qualité même des assurés qui restent et à faire augmenter leur prime. Tout se passe alors comme si les assurés à hauts risques se substituaient de proche en proche aux assurés à faible risque. C'est un phénomène classique de « sélection adverse » qui, appliqué aux relations entre emprunteur et banquier, entraîne de la même façon un rationnement du crédit. C'est l'ensemble de ces travaux réalisés dans les années 1970 qui ont fait de Stiglitz l'un des précurseurs de l'économie de l'information et qui lui vaudront le prix Nobel d'économie 2001.
Tout aussi connu est l'apport de Stiglitz aux théories[...]
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Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
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