JOSQUIN DES PRÉS (1440 env.-env. 1521)
Les messes
La plupart des messes sont construites sur un cantus firmus profane ou sacré, mais il en est d'autres dont Josquin a forgé lui-même le thème en se proposant de résoudre des problèmes de contrepoint plus ou moins ardus. Josquin a assoupli l'usage du cantus firmus en tendant de plus en plus vers le style en « imitation continue », c'est-à-dire vers une répartition désormais plus équilibrée entre les diverses voix. À noter aussi une aération de la polyphonie par l'opposition de groupes de voix, le plus souvent soprano et ténor d'une part, dialoguant avec alto et basse de l'autre. Parmi les messes sur cantus firmus profane, nous citerons : la Missa « L'Homme armé » super voces musicales (la chanson de L'Homme armé, très populaire au xve siècle, a servi de thème à une vingtaine de messes depuis Guillaume Dufay, au xve, jusqu'à Carissimi, au xviie ; en utilisant cette mélodie, Josquin l'a changée plusieurs fois de mode, et c'est l'application aux six gammes ecclésiastiques différentes qu'indique le titre super voces musicales) ; la Missa « L'Homme armé » sexti toni (même thème, ici traité avec plus d'ampleur ; les voix parcourent toute l'étendue de leur tessiture, mais si le style est plus vocal, la construction est moins savante que dans la messe précédente) ; la Missa Fortuna desperata sur une chanson anonyme (Josquin joue avec le thème qu'il présente de diverses façons : augmentation, diminution, retournement) ; la Missa « L'Amy Baudichon madame » (il s'agit ici d'une chanson populaire dont le thème peut paraître lourd, mais comme l'écrit André Pirro, « il était séduisant d'environner ce maître engourdi de figures vives et claires » ; œuvre gaie évoluant dans le mode majeur) ; la Missa « Une musque de Buschaia », sur une chanson basque, colportée probablement par les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. La Missa Didadi super « N'aray-je » (titre étrange dont voici l'explication : le thème est emprunté à une chanson, N'aray-je jamais plus, d'un musicien de la cour de Bourgogne, Robert Morton ; la valeur des notes de ce thème est déterminée relativement aux autres voix par les points que marquent les dés représentés sur le texte musical – Josquin sacrifie ici aux séductions de l'exercice d'arithmétique). Citons encore la Missa « Faysans regrets », qui mêle un thème profane à une cantilène liturgique, et les deux messes composées sur des chansons d'Ockeghem, Malheur me bat et D'ung aultre amer.
Parmi les messes sur cantus liturgique, mentionnons les messes Mater patris et Ave maris stella, d'une facture assez simple, et qui peuvent passer pour des œuvres de jeunesse. Plus élaborée est la Missa De beata Virgine construite, non sur un seul thème, mais sur plusieurs cantilènes rituelles dédiées à la Vierge Marie. Ces thèmes circulent d'une voix à l'autre. André Pirro parle à ce propos de « conversation sacrée » entre les chanteurs qui semblent échanger des bénédictions. Le kyrie et le gloria sont à quatre voix, mais, à partir du credo, une cinquième voix paraît, qui imite constamment l'une des autres. Signalons en passant la Missa Gaudeamus sur un introït grégorien, avant d'arriver au chef-d'œuvre qu'est la messe Pange lingua, publiée à Nuremberg en 1539. Josquin y atteint aux sommets de son art : sans perdre de vue les thèmes générateurs, il les traite avec une grande liberté, sait en varier la présentation sans qu'un instant sa technique se fasse trop sentir et sans qu'elle nuise à l'impression générale d'intense ferveur qui se dégage de cette œuvre souveraine.
Il reste quatre messes sans thème préexistant, si ce n'est ceux que Josquin lui-même a forgés : deux messes où le[...]
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Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
Classification
Médias
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