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JOURNAL 1933-1945 (V. Klemperer) Fiche de lecture

Cousin du chef d'orchestre Otto Klemperer, Victor Klemperer naquit en 1881 à Landsberg, en Prusse orientale, ville aujourd'hui polonaise sous le nom de Gorzow Wielkopolski. Il était le neuvième enfant d'une famille juive. Son père, qui était rabbin et se réclamait d'un judaïsme progressiste, fut nommé en 1890 à Berlin. Le jeune Victor fut si fortement attiré par la culture allemande qu'il rompit avec ses attaches juives. Il prit les Lumières et l'enseignement de Lessing pour idéal philosophique. Puis, se tournant vers les écrivains français du xviiie siècle, il les célébra dans de nombreuses études – Montesquieu, entre autres, auquel il consacra sa thèse. Percevant les discriminations à l'égard des Juifs sous l'Empire de Guillaume II, il se convertit au protestantisme en 1903, lors de son service militaire. Cette conversion, il la renouvela en 1912, après s'être marié avec Eva Schlemmer, une protestante. Victor Klemperer se voulait allemand, rien qu'allemand. Au moment de la Première Guerre mondiale, il fut tout naturellement patriote, voire nationaliste, et se porta volontaire sur le front. À la chute du régime impérial, il ne donna nullement dans les enthousiasmes révolutionnaires. Désireux de s'assimiler à la masse des Allemands moyens, il choisit le camp de la démocratie libérale.

Devant l'antisémitisme de ces années, quelle fut son attitude ? Il ferma les yeux. Et cela, malgré les déboires que connut sa carrière universitaire. En effet, il ne put obtenir un poste qu'en 1920. Il fut nommé, qui plus est, dans une ville de province, à Dresde, et à l'École technique supérieure, non à l'université proprement dite. C'est ce poste que Victor Klemperer occupa loyalement, jusqu'à ce que les nazis décident de le suspendre. En janvier 1935, à la suite du boycottage de ses cours, il n'a déjà plus que trois ou quatre étudiants. Le 30 avril 1935, il est destitué de sa chaire. Lui qui manifestait la plus rationnelle volonté d'assimilation à la nation allemande se trouve frappé dans sa « judéité ». Son union avec une « Aryenne » le protège temporairement de la déportation dans un camp. Mais il n'échappe pas aux principales infamies infligées aux Juifs. Seul le bombardement anglo-américain sur Dresde, le 13 février 1945, le sauve de la déportation à Auschwitz.

Pour surmonter cette tentative d'annihilation, Klemperer se cramponne à son étude de la littérature française du xviiie siècle. De 1939 à 1944, il rédige Curriculum vitae, son autobiographie qui court jusque dans les années 1920. Surtout, il tient clandestinement un Journal où il ne se contente pas d'être un observateur passif de l'époque, mais s'en fait le chroniqueur méticuleux, rapportant au quotidien la phraséologie nazie, l'humiliation devant les vexations, la faim, le dénuement, la peur de chaque instant : peur d'être convoqué par la Gestapo, peur de subir ses descentes dans la « maison des Juifs ». Ce monumental témoignage sur le IIIe Reich vu de l'intérieur a fini par représenter 5 000 feuillets, cachés au fur et à mesure par une amie. Il est publié au Seuil en deux volumes : Mes Soldats de papier, 1933-1941 (trad. G. Riccardi) et Je veux témoigner jusqu'au bout, 1942-1945 (trad. G. Riccardi, M. Klintz-Tailleur et J. Tailleur).

Quand il est mort en 1960, dans l'ancienne République démocratique allemande, Victor Klemperer était connu par un livre, LTI, Lingua TertiiImperii (Albin Michel, 1996). Soucieux d'efficacité, il avait tiré de ses cahiers clandestins la matière de cet ouvrage. Publiées dès 1946 dans la zone d'occupation soviétique, ces « notes d'un philologue » montrent quelle perversion les nazis ont opérée sur la langue pour mieux modeler la population selon leur vision du monde. Plusieurs fois[...]

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