JOURNAL DES SAVANTS
Le Journal des savants peut être considéré comme une des premières formes de presse littéraire, à une époque où la différenciation journal-revue n'était encore ni réalisée ni pertinente. Loin d'être uniquement scientifique comme son titre pouvait sembler l'indiquer, le Journal des savants, dès son premier numéro du 5 janvier 1665, affirma son dessein : « faire savoir ce qui se passe de nouveau dans la république des lettres » à travers des comptes rendus de livres, des nécrologies détaillées, des présentations des dernières découvertes et expériences scientifiques. Il s'agissait donc « de faire en sorte qu'il ne se passe rien dans l'Europe, digne de la curiosité des gens de lettres, qu'on ne puisse apprendre dans ce journal », précisait un Avertissement au lecteur.
Pour la première fois, les livres parus n'étaient donc pas seulement signalés, mais également soumis à la critique. De ce fait, les autorités ecclésiastiques n'apprécièrent guère cette nouvelle liberté, et au bout de quelques mois, le fondateur du Journal des savants, Denis de Sallo, dut suspendre sa publication sous la pression des Jésuites. Mais les autorités civiles souhaitaient que la publication puisse continuer. Grâce à Colbert, l'abbé Gallois fit reparaître la revue en janvier 1666, avec toutefois un contenu plus scientifique et un ton plus modéré. Au cours des années suivantes, la périodicité et la forme du Journal des savants furent irrégulières et variables, jusqu'à ce que l'abbé de La Roque prenne sa direction et en fasse une publication régulière. En 1701 commença une nouvelle série et la publication, d'hebdomadaire devient mensuelle à partir de 1724. Jusqu'à la Révolution, le Journal des savants bénéficia d'une sorte de monopole défendu par son propriétaire, l'État. À partir de 1723, le Journal des savants est ainsi publié sous le patronage de l'Académie des sciences et de celle des inscriptions et belles-lettres. Ce véritable privilège royal devait en principe le protéger de la concurrence. Mais l'intérêt et le succès de cette nouvelle forme de périodique, bien différente par exemple de la Gazette de Renaudot, suscitèrent des concurrents et des imitateurs, voire des contrefaçons, tant en France (Journal de Verdun, Mercure...) qu'à l'étranger, notamment en Hollande où la liberté d'expression était beaucoup moins soumise à la censure politique ou religieuse. C'est ainsi que furent publiées à Amsterdam, de 1684 à 1718, les Nouvelles de la République des lettres de Pierre Bayle et que des libraires hollandais publièrent des réimpressions du Journal des savants augmentées d'extraits d'un autre concurrent, les Mémoires de Trévoux, qui joua lui aussi un rôle très important. Après la Révolution, le Journal des savants connut à nouveau plusieurs éclipses : de 1792 à 1796, puis, après une reparution de quelques mois, jusqu'en 1816. Plusieurs nouvelles séries, correspondant à chaque fois à des transformations éditoriales, furent ensuite publiées jusqu'en 1859, puis jusqu'en 1909, date à laquelle le Journal des savants cessera d'être l'organe de l'Institut de France pour n'être ensuite que celui de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. De cette longue carrière éditoriale, le Journal des savants conserve le principal mérite d'avoir introduit la critique littéraire dans la presse.
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Écrit par
- Olivier CORPET
: ingénieur au C.N.R.S., rédacteur en chef de
La Revue des revues , administrateur de l'Institut mémoires de l'édition contemporaine
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