JOURNAL, Edmond et Jules de Goncourt Fiche de lecture
Promoteurs du naturalisme et du japonisme, écrivains, essayistes, bibliophiles et collectionneurs d'art enragés, Edmond et Jules de Goncourt sont d'abord connus aujourd'hui pour leur Journal et pour l'académie qui porte leur nom. Edmond Huot de Goncourt, l'aîné (1822-1896) et Jules (1830-1870), son frère qui disparaîtra victime de la syphilis, ne se séparèrent jamais. Ils vécurent toute leur existence une sorte de gémellité qui fascinaient ceux qui les rencontraient. En littérature, ils firent également œuvre à deux, publiant notamment des romans comme Germinie Lacerteux (1865), Manette Salomon (1867) et Madame Gervaisais (1869). À la mort de Jules (20 juin 1870), Edmond poursuivit seul leur œuvre, notamment avec La Fille Élisa (1877).
Leur Journal, sous-titré Mémoires de la vie littéraire, est l'un des plus célèbres de la littérature du xixe siècle. Dès 1887, Edmond commença à le publier chez l'éditeur Charpentier. Cette version pourtant expurgée suscita la haine de nombreux écrivains qui virent divulguées des conversations privées qui étaient rarement à leur gloire. Cette publication s'échelonna jusqu'en 1892. Après la mort d'Edmond, le 16 juillet 1896, ses exécuteurs testamentaires, Alphonse Daudet et Léon Hennique, créèrent l'académie grâce à la fortune des deux frères et à la vente de leur fabuleuse collection d'œuvres d'art. L'argent collecté devait aussi permettre la publication intégrale du Journal, déposé au lendemain du décès d'Edmond au Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Alors que le délai prévu était de vingt ans, il a fallu – en raison de la violence de certaines attaques qu'il contenait – attendre soixante ans sa publication. Robert Ricatte en procura la première édition, à l'Imprimerie nationale de Monaco (1956-1958).
Une fresque du monde littéraire
Le Journal débute en décembre 1851 avec le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte et s'achève sur la journée du vendredi 3 juillet 1896. Du réalisme au naturalisme, du parnasse aux lendemains du symbolisme, ces quarante-cinq années de vie littéraire, évoquées en trois mille cinq cents pages, constituent une mine d'informations pour les historiens de la littérature. Les Goncourt fréquentèrent en effet tout ce que la littérature a compté comme grands écrivains (Hugo, Baudelaire, Daudet, Flaubert, Sand, Zola, Huysmans...), et l'index du Journal est un véritable condensé de la littérature du demi-siècle. On y croise aussi bien les hommes politiques, les journalistes, les artistes et les acteurs que le monde de la bohème littéraire et des « jeunes » qui font leur pèlerinage à Auteuil où résident les deux frères. Du salon de la princesse Mathilde aux nombreux dîners artistiques et littéraires que Paris donnait alors, notamment les « dîners Magny », en passant par les cafés littéraires, ceux-ci rapportent les conversations – souvent avec cruauté. Ce sont des comptes-rendus à chaud des salons, des premières au théâtre, de leurs lectures. Des notations d'une grande diversité, allant des « cancans » colportés sur le bitume à des indiscrétions caractérisées, mais qui comptent aussi de très fines analyses (portraits, descriptions, jugements). Le Journal couvre ainsi tout l'éventail des registres de l'écriture diariste, non sans accompagner parallèlement l'écriture et la réception de leur œuvre elle-même. Marcel Proust saura s'en souvenir en en faisant, dans la Recherche, le contre-modèle de la quête littéraire du narrateur.
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Écrit par
- Jean-Didier WAGNEUR
: critique littéraire à la
N.R.F. et àLibération
Classification
Médias
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