DUPES JOURNÉE DES (10-11 nov. 1630)
Tallemant des Réaux appelle la journée des dupes « la grande cabale des deux Reynes, de Monsieur et de toute la maison de Guise ». On pourrait ajouter à cette liste les bâtards de Henri IV, le parti dévot avec le chancelier d'Aligre et les deux Marillac, pour ne pas parler du mécontentement du Parlement, de la misère et de la famine des années 1629-1630. La grande tentative pour chasser le cardinal de Richelieu du pouvoir a pris naissance au moment du siège de La Rochelle et elle fait partie de ces nombreuses cabales de cour où ont brillé d'un éclat exceptionnel les grandes dames du moment. Poussée par la princesse de Conti et la duchesse d'Elbœuf (parentes du duc de Guise, auquel Richelieu dispute le titre de l'amirauté de Provence), Marie de Médicis se réconcilie avec Anne d'Autriche, séquestre, puis libère l'amie de Gaston d'Orléans, Marie Louise de Gonzague. Afin de dédommager son fils cadet, la reine mère ne demande rien de moins que les gouvernements de Bourgogne et de Champagne, que Richelieu refuse. Lors de la guerre de Mantoue, les deux reines profitent d'une maladie très grave du roi à Lyon pour lui arracher la promesse du renvoi du ministre, dès que la paix serait conclue. Richelieu, averti, tente en vain de circonvenir Marie de Médicis dont il avait été le protégé au début du règne. La paix signée le 13 octobre 1629, la régente chasse Mme de Combalet, nièce de Richelieu. Le 10 novembre, dans le palais du Luxembourg, au cours d'une scène fameuse, Marie de Médicis tente de convaincre le roi de tenir sa promesse. On connaît la suite : l'arrivée impromptue du ministre par une porte dérobée, la fureur de la reine, ses injures, l'agenouillement du cardinal, la sortie ambiguë du roi s'enfuyant à Versailles, la ruée des courtisans vers la pseudo-triomphatrice, l'appel du cardinal au roi qui finit par promettre de ne plus se séparer de lui. Le dépit de Marie de Médicis — que Richelieu tente, une dernière fois, de convaincre à Compiègne — aboutit à la fuite de Gaston d'Orléans puis, le 10 juillet 1631, au départ définitif de la reine mère aux Pays-Bas.
À l'arrière-plan, l'enjeu est considérable. Deux politiques s'affrontent : celle du parti dévot, politique de paix, laissant le champ libre aux Habsbourg, mais rendant possible une réorganisation intérieure du royaume ; celle de Richelieu, fondée sur la guerre destinée à empêcher la maison d'Autriche d'assurer sa domination sur l'Europe sous le masque de la religion, avec les graves inconvénients de l'augmentation des impôts et du maintien des expédients financiers. Aussi Louis XIII et Richelieu s'efforcent-ils d'éclairer l'opinion. Guez de Balzac avec son Prince, Le Mercure François et, surtout, La Gazette, de Théophraste Renaudot, fondée en mai 1631, deviennent les instruments de cette propagande officielle. La violence des haines de cour vient s'ajouter à un conflit fondamental opposant la « raison d'État » de Richelieu, placée au service de la monarchie de la fille aînée de l'Église, mais non inféodée aux Habsbourg, aux conceptions du parti dévot qui, au service de la Contre-Réforme, est davantage orienté vers l'Espagne et l'Autriche que vers la France. En langage politique actuel, ce conflit pourrait être traduit par un choix entre justice sociale et indépendance nationale. Le choix politique, si décisif dans notre histoire, a été pris par la seule volonté royale et restitue ainsi au personnage de Louis XIII une dimension historique qu'on lui a, un peu vite, déniée.
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification
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...l'opposition, s'explique en grande partie par la crainte d'un soulèvement général du royaume, en cas de guerre. Mais le grand orage se termina par la journée des Dupes et un renforcement de l'autorité de Richelieu. C'était le succès de sa politique, plus que jamais approuvée du roi. L'esprit de sédition,...