JUIN 1848 JOURNÉES DE
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L'élection, les 23 et 24 avril 1848, d'une Constituante républicaine modérée a été ressentie comme une défaite par l'extrême gauche révolutionnaire. Au cours de la journée du 15 mai, des émeutiers, peut-être manipulés par la police, réclament une intervention en faveur de la Pologne mais prétendent aussi, à l'exemple des « journées » de la grande Révolution, soumettre l'Assemblée à la pression des clubs et de la rue. Leur échec élargit le fossé entre les masses parisiennes et le pouvoir, dès lors décidé à liquider les ateliers nationaux qui inquiètent et coûtent cher.
Une agitation révolutionnaire secoue les milieux ouvriers dans les premières semaines de juin. Le 20 juin, la commission exécutive adopte le décret préparé le 24 mai : incorporation dans l'armée des ouvriers de dix-huit à vingt-cinq ans, exclusion des autres à moins qu'ils n'acceptent leur transfert sur des chantiers de province. La parution du décret dans Le Moniteur du 22 juin déclenche le soulèvement. Ce même jour, les ouvriers manifestent contre le « décret de proscription » mais ne peuvent arracher aucune concession ; le 23 au matin, après un grand rassemblement à la Bastille, l'est de Paris se couvre de barricades (trente-huit dans la seule rue Saint-Jacques, plus de quatre cents en tout). Ce mouvement a un caractère spontané ; l'insurrection a un meneur (l'ancien séminariste et sergent Pujol), des cadres subalternes (ceux des unités de la garde nationale qui rejoignent le mouvement), mais point de direction centrale : les états-majors révolutionnaires ont été désorganisés après le 15 mai. Les forces en présence ? Pas plus de vingt mille insurgés sur quelque cent vingt mille ouvriers des ateliers : le gros des insurgés provient d'une masse de chômeurs réduits au désespoir par la misère. « Du pain ou du plomb », tel est leur cri de ralliement. « Vous n'avez jamais eu faim, vous ne savez pas ce que c'est que la misère », déclare un insurgé à François Arago. « On a cherché les causes ; il n'y en a qu'une, c'est la misère », écrit Louis Blanc. « La cause première, c'est la misère », ajoutera Caussidière.
La répression est confiée au général Cavaignac, républicain de bonne souche et brillant soldat, ministre de la Guerre depuis le 17 mai, investi pour la circonstance des pleins pouvoirs. L'état de siège est proclamé. Cavaignac concentre rapidement trente-six bataillons de l'armée et vingt-quatre de la garde mobile, corps improvisé au 24 février et qui se montre fidèle à l'ordre : en tout, avec la garde nationale des quartiers de l'ouest, cinquante mille hommes, dont trente mille soldats éprouvés de l'armée de ligne. Ces forces sont largement approvisionnées et bien commandées, avec Lamoricière et Bedeau en sous-ordre. Du 23 juin après-midi au 26 en fin de matinée, trois jours de combats acharnés s'achèvent par la reddition des derniers îlots de résistance, à Saint-Antoine et à la Bastille. Toutes les tentatives de conciliation ont échoué, de celle d'Arago, le 23 juin, à celle de Mgr Affre, tué probablement par un insurgé le 25, au plus fort de la bataille.
Le bilan est lourd : des milliers d'insurgés ont été tués, certains exécutés sommairement ; plus de quinze mille arrestations ont été opérées ; des commissions mixtes relâchent 6 374 prisonniers, en déportent 4 348 en Algérie « par mesure de sûreté générale » ; le reste sera jugé plus tard. Le 3 juillet, les ateliers nationaux sont supprimés. La dissolution des légions peu sûres de la garde nationale, la fermeture des clubs, l'interdiction de quelques journaux, puis des décrets restrictifs de la liberté de la presse complètent ces mesures auxquelles il faut ajouter l'arrestation de plusieurs chefs, comme[...]
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- Émilien CONSTANT : auteur
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