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OATES JOYCE CAROL (1938- )

Née le 16 juin 1938 à Lockport, dans le comté d'Érié (État de New York), Joyce Carol Oates a grandi dans un milieu catholique modeste et rural. Après de brillantes études d'anglais et de philosophie, elle enseigne la littérature à l'université de Detroit (1963), puis à celle de Windsor, en Ontario, au Canada (1967), enfin à Princeton, dans le New Jersey, où, depuis 2014, elle donne des séminaires consacrés à la création littéraire. Elle a publié une trentaine de romans, de nombreux recueils de nouvelles, des poèmes et des pièces de théâtre. En outre, elle écrit régulièrement des articles pour la presse populaire et les revues spécialisées, ainsi que des recueils d'essais critiques (notamment sur Melville, Flannery O'Connor, Dostoïevski, Joseph Conrad, Oscar Wilde et D. H. Lawrence). Avec son mari Raymond J. Smith, elle a dirigé la Ontario Reviewde 1974 jusqu’en 2008, date de la mort de ce dernier.

La violence à l’œuvre

Joyce Carol Oates - crédits : Oscar White/ Corbis/ VCG/ Getty Images

Joyce Carol Oates

Polygraphe, Joyce Carol Oates s'essaie à tous les genres littéraires, mais donne parfois l'impression de ne traiter qu'un seul thème : celui des passions perversement destructrices. Malgré certaines affinités avec la tradition du roman naturaliste américain, Oates s'attache moins à expliquer les situations d'oppression qu'à faire surgir partout, de manière obsédante, le couple fantasmagorique de la victime et du bourreau. Elle se livre à une exploration méthodique de toutes les situations précaires : la misère du lumpenproletariat, dans A Garden of EarthlyDelights (1967 ; Le Jardin des délices, 1976) ; les explosions de violence des émeutes de Detroit dans Them (1969 ; Eux, 1971), roman qui lui a valu le National Book Award ; le statut fragile des familles petites-bourgeoises des petites villes de l'État de New York, ou encore les déséquilibres affectifs des familles de la grande bourgeoisie du roman Expensive People (1968 ; Des gens chics, 1970). Tout, ici, est matière à cruauté ; la violence prend une coloration d'autant plus fantastique qu'elle est souvent perçue par une conscience fragile et hébétée. Dans Wonderland (1971 ; Le Pays des merveilles, 1985), le sous-prolétaire menace l'existence corporelle de son fils, alors que le bon bourgeois qui l'adopte s'en prend à son intégrité psychique. D'une classe sociale à l'autre, le père demeure un ogre, et la famille un enfer ; mais, lorsqu'un enfant s'arrache à la persécution de ses parents, on peut jurer qu'il va se livrer à un amant carnassier. Comme chez l’écrivaine Flannery O'Connor (1925-1964), aucun intérieur n'est à l'abri des agressions extérieures, et le sentiment de sécurité se révèle une dangereuse illusion. Néanmoins, chez Oates, les forces sociales ou psychiques menaçantes ne sont pas au service d'une logique transcendante, et la question du mal paraît ici sans issue. Même ses romans les plus paisibles restent des œuvres cruelles : ainsi Unholy Loves (1979 ; Amours profanes, 1982), satire du milieu universitaire.

Si Joyce Carol Oates sait jouer de purs effets mélodramatiques, elle mise aussi sur la parodie. Dans Marriages and Infidelities (1972 ; Mariages et infidélités, 1980), elle « reprend » explicitement des nouvelles de Henry James, Franz Kafka et Anton Tchekhov. Ailleurs, elle puise dans la mythologie antique, dans les contes de fée, mais aussi dans les textes de Freud (le triangle œdipien sert de matrice à de nombreux récits). Les espaces familiaux s'apparentent aussi aux scènes gothiques traditionnelles, occupées par le villain – le « méchant » diabolisé – et sa victime impuissante. Souvent, les noms de lieux soulignent l'inversion de la pastorale américaine en enfer gothique : ainsi, la Tintern Abbey de William Wordsworth (1770-1850) transformée en Tintern Falls dans Man Crazy[...]

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, titulaire d'une thèse de doctorat en littérature américaine, maître de conférences à l'université de Toulouse-II
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Média

Joyce Carol Oates - crédits : Oscar White/ Corbis/ VCG/ Getty Images

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