ANTALL JÓZSEF (1932-1993)
Mort à soixante et un ans des suites d'un cancer, József Antall a été le premier chef de gouvernement démocratiquement élu de la Hongrie postcommuniste.
Directeur d'une institution scientifique, non communiste, Antall révèle son talent politique lorsque se tient la table ronde où s'opposèrent, au milieu de l'année 1989, les démocrates de toutes tendances au pouvoir communiste, qui cherchait à tirer son épingle du jeu. Il semblerait toutefois que, sous le paravent d'une carrière sans éclat, ce directeur placide se fût sciemment préparé au service d'une démocratie parlementaire bien avant que l'heure de celle-ci n'eût sonné en Hongrie. La “révolution négociée” de 1989-1990 devait lui permettre de réaliser son ambition de présider aux destinées de son pays lors du retour à la normalité démocratique. On comprend dès lors que, nommé Premier ministre à la suite des élections enfin libres de 1990, il tient à le rester en dépit du mal qui vient le frapper et finira par le vaincre quarante-trois mois plus tard.
Fils d'un haut fonctionnaire courageux et libéral de l'entre-deux-guerres, József Antall est né à Budapest le 8 avril 1932. Il fait ses études secondaires chez les piaristes, puis s'inscrit, en 1950, à la faculté des lettres de l'université de Budapest, où il va acquérir plusieurs diplômes, dont celui de professeur d'histoire. La révolution de 1956, à laquelle il participe en jeune militant du Parti des petits propriétaires, compromet sa carrière de professeur et l'oblige à se contenter de celle de chercheur et de bibliothécaire. Se spécialisant dans l'histoire de la médecine, il devient d'abord collaborateur, puis directeur en titre du musée Semmelweis d'histoire de la médecine.
À la veille de l'année cruciale de 1989, Antall, sollicité de plusieurs côtés, finit par rallier le puissant mouvement national-populiste, le Forum démocratique hongrois (M.D.F.), qui envisage la sortie du communisme sans révolution radicale. Antall, qui partage cette idée ainsi que celle du retour aux traditions nationales, rejette cependant les velléités de “troisième voie” du national-populisme. Aussi son arrivée conduit-elle le M.D.F. à abandonner cette doctrine. Accueilli au départ comme un expert, certes, mais étranger au mouvement, Antall s'impose petit à petit comme leader : succès qu'il doit moins à ses qualités d'orateur qu'à celles de stratège. Élu en automne de 1989 président du M.D.F., il apparaît bientôt comme le meilleur candidat au poste de chef de gouvernement. La victoire électorale de son parti — sa victoire — lui permet de constituer une coalition majoritaire avec l'appoint des chrétiens-démocrates et des “petits propriétaires”.
Chargé de former le gouvernement, Antall s'entoure de préférence de “techniciens” choisis tant en raison de leur savoir-faire que de leur loyauté envers sa personne. Cette attitude provoque plusieurs “frondes” au sein du M.D.F., que certains de ses fondateurs finiront par quitter. Mais la formule de centre droit modéré inventée par Antall ne connaîtra, politiquement, qu'un seul moment difficile : celui où, face aux attaques de plus en plus féroces de l'écrivain Istvan Csurka, Antall doit se résigner à le faire exclure du M.D.F., quitte à le laisser former une opposition d'extrême droite. Or l'un des ingrédients de la “formule Antall” a été de contenir la droite. Il est vrai que la cohabitation avec celle-ci a de plus en plus gravement empoisonné les rapports — au départ cordiaux — d'Antall avec l'opposition libérale.
Sous la conduite de József Antall, la Hongrie a connu une remarquable stabilité politique permettant la mise en place et le rodage des institutions démocratiques. Sur le plan économique, le bilan est moins brillant[...]
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Écrit par
- Pierre KENDE : directeur de recherche au C.N.R.S.
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