JR (1983 env. )
Un street art photographique collectif
Pour être libre de tout soutien financier, chacune de ces séries mobilise de nombreux bénévoles – proches, passants et personnes rencontrées au gré des voyages, qui se font tour à tour modèles et colleurs d'affiches. En 2011, JR est récompensé du prix T.E.D. décerné par Technology Entertainment Design – fondation dédiée à l'organisation de conférences rassemblant des experts en tous genres et cherchant à améliorer le monde par la force des idées. Grâce aux moyens alloués par T.E.D., il pousse plus loin encore cette inclination pour la création collective avec Inside Out, projet participatif global : il invite chacun à composer et coller soi-même ou en groupe les affiches photographiques que l'artiste et son équipe se contentent d'imprimer.
Sa volonté de considérer la relation directe avec le public comme l'une des modalités de l'œuvre a valu à JR diverses estampilles, dont celles d'« artiviste ». De fait, l'ancrage contextuel de son travail et la nature de ses lieux d'élection (Brésil, Tunisie, Liberia...) se prêtent à une lecture très politique : en affichant dans les rues des portraits de femmes ou de jeunes de banlieue, l'artiste se ferait le porte-voix des devenirs minoritaires. Méfiant à l'égard des partis et des idéologies, il se défend pourtant de toute ambition militante. Fruit d'une génération dont la culture puise davantage dans le cinéma et la télévision que dans le tableau ou l'écrit, il entend tout au plus dresser une critique en acte des médias et les représentations qu'ils construisent de certains territoires. Ainsi, dans Face 2 Face, il oppose à l'image du conflit israélo-palestinien construite par la presse la confrontation ludique de deux populations. Avec Wrinkles of the city, il dévoile entre autres l'envers du prétendu miracle chinois. Ses interventions visent à débusquer des images derrière des clichés pour mieux souligner l'humanité de populations discriminées et exclues. C'est la raison pour laquelle JR se montre sourcilleux sur la manière dont ses photographies sont utilisées par la presse, et il pose de strictes conditions à leur utilisation (la nécessité de préciser le contexte de chaque œuvre, notamment).
Soucieux d'échapper à toutes les étiquettes, JR refuse tout autant d'être désigné comme un street artist. En effet, ses interventions débordent le seul cadre de l'espace urbain et touchent aussi bien à l'édition (la plupart de ses séries ont donné lieu à des publications aux éditions Alternatives) qu'à la réalisation de films documentaires (Women are heroes, 2011). De la même manière, ses photographies n'ont pas pour seule vocation de s'afficher sur les murs. Elles nourrissent aussi la nécessité, commune à tous les arts éphémères, de conserver une trace de l'œuvre in situ. Que ce soit aux Rencontres d'Arles en 2010 ou lors de sa première exposition chez Emmanuel Perrotin un an plus tard, les œuvres de JR penchent alors vers la photographie documentaire, et elles s'attachent à souligner le contexte de ses interventions urbaines.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Stéphanie LEMOINE : journaliste, auteure
Classification
Média
Autres références
-
VISAGES VILLAGES (A. Varda et JR)
- Écrit par René MARX
- 1 029 mots
Les chemins buissonniers, voilà ce qui rapproche Agnès Varda, autoproclamée dans un sourire « La grand-mère de la nouvelle vague », et JR, l’un des plasticiens français les plus fameux. Varda a parcouru le monde avec ses appareils photographiques et ses caméras de cinéma, JR a tapissé les murs...
-
MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, Paris
- Écrit par Hervé LE GOFF
- 1 070 mots
- 1 média
...audience grâce aux réseaux sociaux et adapte sa programmation à des fondations et à des partenariats privés. À partir de 2019, et après l'installation du plasticien JR sur l'ensemble de l'édifice, la programmation annuelle, désormais rythmée en trois saisons d’expositions diverses ou monographiques comme... -
VARDA AGNÈS (1928-2019)
- Écrit par René PRÉDAL
- 946 mots
- 1 média
Née le 30 mai 1928 à Bruxelles d’une mère française et d’un père grec, Agnès Varda passe son enfance à Sète puis étudie la photographie et l’histoire de l’art à Paris. Amie d’enfance de l’épouse de Jean Vilar, elle devient photographe du TNP, enregistrant tout, des maquettes audio aux répétitions et...