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HERRERA JUAN DE (1530-1597)

Un style nouveau

Il est difficile de se faire une idée précise du style de Juan Bautista de Toledo, car peu d'œuvres de lui ont subsisté. Assistant de Michel-Ange à Saint-Pierre, il s'inspirait du classicisme d'Antonio da Sangallo le Jeune, qui régnait alors à Rome ; ce style, il le simplifia, en accord avec le goût du roi pour la sobriété et la modération, tout en conservant les valeurs plastiques du décor classique. Cet italianisme profondément enraciné apparaît dans le plan de l'Escorial, qui respecte, malgré son géométrisme, l'idéal italien d'un tout organique, ainsi que dans les rares parties de l'édifice exécutées sous sa direction.

On peut voir à l'Escorial le contraste entre le style de Toledo et celui de Herrera à l'angle oriental des corridors du Soleil : au rez-de-chaussée, terminé avant 1567, Toledo utilisa de simples colonnes doriques mais il les détacha du mur pour renforcer leur effet sculptural. À l'étage supérieur, Herrera a intégré, après 1574, de minces pilastres ioniques dans un réseau de panneaux géométriques et de moulures, privant ainsi intentionnellement l'ordre de son effet sculptural. Pour Herrera, les éléments du classicisme italien simplifié de Toledo deviennent donc la base d'un style nouveau, radicalement abstrait.

L'Escorial fut construit en grande partie dans ce style abstrait sur les dessins de Herrera. Cette homogénéité est unique dans l'architecture de la Renaissance. Dans certains cas, par exemple la façade de la basilique, Herrera remania les projets antérieurs pour atteindre un degré plus grand d'abstraction ; dans d'autres cas, il changea complètement le tracé, par exemple il créa pour l'escalier principal trois rampes parallèles à l'intérieur d'une cage ouverte.

Ce goût de l'abstraction est surprenant par sa nouveauté. Herrera, qui est pourtant un architecte classique, n'emploie les ordres que très parcimonieusement : il les utilise tous les quatre, en préférant le dorique pour l'extérieur ; il élimine la sculpture décorative et dépouille même les ordres de leurs moulures décoratives, de leurs bases et de leurs frises figurées. Les ordres tels qu'il les utilise sont monotones et répétitifs, ils sont fondés sur des exemples canoniques : ainsi pour la cathédrale de Valladolid, le corinthien dérive du Panthéon de Rome. En outre, les types de chapiteaux, de bases et de moulures sont remarquablement uniformes à travers toute son architecture. Une fois choisi un type qui lui convenait, il semble ne s'être guère intéressé, ou pas du tout, à lui apporter des variantes. Le dorique utilisé à l'Escorial pouvait servir dans une cour ou sur une façade aussi bien à Tolède qu'à Séville. Herrera préférait le pilastre plat à la colonne et il engageait autant que possible la colonne dans le mur pour l'intégrer à la maçonnerie. À la différence des architectes italiens ou français, il n'a pas prévu de donner un décor peint à ses édifices, à l'exception de la bibliothèque de l'Escorial peinte à fresque par Pellegrino Tibaldi. La manière dont Herrera utilise les ornements est incompatible avec les normes de la Renaissance italienne. Auparavant, l'ornement était conçu dans ses multiples variations comme une métaphore de la nature ; avec Herrera, il devient abstrait. Par exemple, le fronton principal de l'Escorial, en forme de temple, est comme une façade d'église, plate, collée sur le bâtiment. En fait, tout ce que les architectes de la Renaissance essayaient d'éviter apparaît dans ce fronton : les colonnes ne portent aucun poids, elles n'exercent aucune poussée et ne définissent aucun espace. Herrera a supprimé délibérément la cohérence organique du système ornemental classique. En revanche, les mathématiques deviennent une composante essentielle[...]

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L'Escorial, 2 - crédits :  Bridgeman Images

L'Escorial, 2

L'Alcázar de Tolède - crédits : Angel Sotomayor Rodríguez/ Flickr ; CC-BY

L'Alcázar de Tolède

Basilique de Nuestra Señora del Pilar, Saragosse - crédits :  Bridgeman Images

Basilique de Nuestra Señora del Pilar, Saragosse

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