HERRERA JUAN DE (1530-1597)
Les palais « modernes »
Philippe II aimait beaucoup l'architecture des pays du Nord : en particulier les palais flamands et français qu'il avait vus au cours de son voyage en 1549 ; et, dès les années 1550, il obligea ses maîtres d'œuvre à s'en inspirer. Ses palais à El Pardo et Valsaín avaient de grands toits en ardoise, des galeries et des tours de style flamand. Juan Bautista de Toledo eut du mal à s'adapter à ce goût, même quand il était évident que le roi y tenait beaucoup. Philippe II n'imposa l'italianisme que dans les décors intérieurs. La tour Nouvelle (ou tour Dorée) et la galerie que Toledo ajouta à l'Alcázar de Madrid (détruit au xviiie siècle) combinaient un grand toit à la française à un italianisme réduit aux bossages qui entourent les fenêtres. Mais, dans ses dessins pour le palais d'Aranjuez, Toledo essaya de donner un style italien à l'extérieur en utilisant les ordres et en couronnant les tours de coupoles hémisphériques.
Herrera n'a dessiné aucun palais pour Philippe II, mais ses additions pour les palais de Tolède, de Lisbonne et de Grenade suivent un parti bien différent des projets de son maître Toledo. L'abstraction de son style le rendait capable de presque tout assimiler. La façade sud de l'Alcázar de Tolède, construite après 1574 par Diego de Alcántara, est une reconstruction de la façade originale qui permet de comprendre comment Herrera a pris le vocabulaire de bossages et de pilastres de son maître pour faire une composition de surface unie mais animée, un grand rideau de brique et de pierre tendu entre les deux vieilles tours du château-fort médiéval. C'est une version classicisante de la façade nord, œuvre de style archaïque de Alonso Covarrubias datant des années 1550.
Herrera était toujours sensible à la tradition espagnole. Ses dessins d' escaliers, comme celui de l'Alcázar de Tolède (dessiné vers 1574 ; exécuté par Diego de Alcántara), continuent une tradition florissante de magnifiques escaliers à cage ouverte.
Mais Herrera pouvait aussi incorporer des apports étrangers. La tour qu'il dessina pour le palais royal de Lisbonne en 1580 (exécutée par Felipe Terzi et Juan Bautista Antonelli vers 1590 ; détruite en 1770) reprend la composition de la façade de l'Alcázar, mais cette fois en marbre blanc. Il la couronna d'un énorme toit-coupole en ardoise, à la manière des toits représentés par Philibert Delorme et par Jacques Androuet du Cerceau. Les révisions qu'il apporte aux dessins de Machuca et de Juan de Orrea pour le palais de Charles Quint à Grenade (la première fois en 1572 puis en 1580) montrent que le seul style qui résistait à cette assimilation était le classicisme italien. Le palais de Machuca, dessiné en 1527, avait été commencé dans un style purement romain, celui des années 1520, dérivé des œuvres de Raphaël et de Bramante. Herrera commença par envisager un grand toit en ardoise (non exécuté). Il a simplifié le décor des parties inachevées des façades. À l'intérieur, la cour principale circulaire fut strictement exécutée par Juan de Minjares dans le style de Herrera (1584-1590).
Vers 1575-1580, Herrera remania les dessins pour la façade d'Aranjuez (Vue idéale conservée à l'Escorial) en introduisant un avant-corps derrière le fronton, comme à la façade principale de l'Escorial (vers 1575).
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Écrit par
- Catherine WILKINSON-ZERNER
:
professor , Art Department, Brown University, Providence, États-Unis
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Médias
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