HERRERA JUAN DE (1530-1597)
Travaux publics et urbanisme
Le style abstrait de Herrera avait des affinités avec l'architecture des ingénieurs civils et militaires, à laquelle d'ailleurs il se consacra. Ici, on peut parler d'un vrai projet de réforme de l'architecture, conçu par le roi et effectué par son architecte. Cela commence avec les jardins d' Aranjuez où Philippe II lui-même avait imaginé une vaste urbanisation du paysage dans les années 1550. Herrera organisa le parc autour de grandes avenues déterminant un système cohérent mais extensible qui servit de base à une nouvelle conception de l'urbanisme. Aranjuez était aussi un centre d'expérimentation pour l'irrigation. Dans ces projets, Herrera transforme le paysage en œuvre architecturale par son utilisation de l'eau (conduites, canaux, petits lacs, etc.) et des arbres.
Le Puente Segoviana, construit à l'entrée sud-ouest de Madrid au début des années 1580 sur des dessins de Herrera, est un pont majestueux rattaché à la ville par une superbe esplanade, élément d'un système urbain en formation. On pense que Herrera conçut, au début des années 1570, le système d'adduction d'eau pour la ville d'Ocaña au sud de Madrid ; le projet incluait une fontaine principale sur une grande place. L'ensemble était conçu comme un espace public monumental, défini par des chemins bordés de murs, des lignes tracées dans le pavage et des portiques d'ordre dorique. Au cours des années 1580, Herrera dessina le système d'adduction d'eau de Valladolid (dont il reste quelques petits éléments) et prépara des projets pour l'abattoir et pour le fournil (détruits).
La réforme des services publics entreprise par Philippe II, à la suite de l'incendie du centre de Valladolid en 1561 dont la reconstruction fut dirigée par le roi en personne, engendra un certain nombre de projets architecturaux. Quant à la part de Herrera dans ce projet, elle reste problématique. Mais Herrera devint bientôt urbaniste. Ses dessins pour la Plaza Mayor – le centre commercial de Madrid – furent peut-être conçus dès les années 1560, mais ne parvinrent à maturité, semble-t-il, que dans les années 1580. Il nous reste un dessin d'après Herrera qui prouve que ses idées apparaissent dans le plan de Gomez de Mora au début du xviie siècle : un espace public régulier, auquel répond une architecture uniforme. La place, comme les rues d'accès, était bordée de portiques.
La Plaza Mayor fut une des principales contributions du règne de Philippe II à l'architecture urbaine occidentale. Herrera n'inventa ni l'idée d'une place de marché centrale ni les portiques qui existaient dans un grand nombre de villes espagnoles depuis le Moyen Âge. Mais il donna une nouvelle cohérence à un espace public. Ce fut probablement Herrera qui fournit au nouveau monde le plan de la ville modèle : une place semblable à celle de Madrid est décrite en 1573 dans les « Ordonnances » de Philippe II.
En 1590, Herrera dessina de nouveau la Plaza de Zocodover à Tolède, qui venait de brûler. Le Zocodover fut conçu selon le système utilisé plus tard à Madrid : régularisation de l'espace urbain pour créer une forme géométrique et articulation de celui-ci par des rangées de bâtiments identiques en brique et en pierre. C'était une architecture de rue, infiniment extensible, ce qui constituait une nouveauté radicale par rapport à l'architecture de la Renaissance, capable d'être coupée n'importe où, selon les besoins du site. Seul un style aussi abstrait que celui de Herrera était adapté à cette conception de la ville. Dans un sens, ces places étaient classiques : elles suivaient les préceptes de Vitruve que Herrera, lui-même, avait commenté dans sa copie de Philandrier (Lyon, 1552). Leurs portiques à colonnes simples dérivaient du classicisme italien. Mais, au contraire des espaces publics[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Catherine WILKINSON-ZERNER
:
professor , Art Department, Brown University, Providence, États-Unis
Classification
Médias
Autres références
-
ANDALOUSIE
- Écrit par Michel DRAIN , Marcel DURLIAT et Philippe WOLFF
- 10 381 mots
- 17 médias
... On arrive à la perfection classique avec le bâtiment de la Casa de Contratación, chambre de commerce chargée de la direction du commerce colonial. Philippe II en demanda les plans à Juan de Herrera. Renonçant aux belles salles à colonnes des loges marchandes levantines, l'architecte de l'Escorial... -
CASTILLE
- Écrit par Marcel DURLIAT , Encyclopædia Universalis et Philippe WOLFF
- 10 285 mots
- 13 médias
...Italie les constructions des vice-rois de Naples, le plan quadrillé de l'ensemble. Mais sa mort prématurée, en 1567, laissa la direction de l'œuvre à Juan de Herrera, qui lui imprima la marque de son génie. La masse de granit rude et sévère s'inscrit dans le contexte européen du classicisme, mais elle... -
ESPAGNE (Arts et culture) - L'art espagnol
- Écrit par Marcel DURLIAT
- 5 038 mots
- 11 médias
...symboliques établissant une union étroite entre la vie et la mort s'expriment par un purisme qui fit son chemin à travers la dernière phase du maniérisme. Juan de Herrera maîtrisa cette mutation et poursuivit son action dans ses œuvres ultérieures d'une manière non moins magistrale, principalement à la cathédrale...