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MENA JUAN DE (1411-1456)

Juan de Mena est un poète espagnol du xve siècle intégrant, avec Santillana et Jorge Manrique, la triade des lettrés les plus importants de cette époque marquée par l'épanouissement de la poésie courtisane sous l'égide de Jean II de Castille.

Les données biographiques de Mena ne sont pas excessivement abondantes : on sait qu'il naquit à Cordoue en 1411, qu'il resta orphelin de très bonne heure, qu'à l'âge de vingt-trois ans il continua à Salamanque les études commencées dans sa ville natale, qu'il les parfit à Rome et qu'à son retour d'Italie le roi Jean II le nomma chroniqueur du royaume, ainsi que son secrétaire pour la correspondance latine, et lui octroya la dignité de « Veinticuatro » — c'est-à-dire regidor ou conseiller municipal — de sa ville natale. Marié, mais sans descendance, il meurt en 1456 à Torrelaguna. Cette information, néanmoins, est plus que suffisante : elle sert à définir le caractère et la production du poète. Né à Cordoue, il se place exactement dans le milieu de cette lignée qui va de Lucain (qu'il imite, et qu'il place à côté d'Ovide et de Virgile) à Góngora (qui le lira et qui montrera quelque trace de cette lecture) ; tous les trois présentent la même tendance stylistique vers ce qu'on connaît de nos jours sous le nom de « baroque », la même attirance par l'ornementation et le mouvement. Le contact avec l'Italie ne fait que développer cette disposition naturelle qui le mènera à créer une langue poétique riche de latinismes, chargée d'allusions savantes, pleine de constructions et de figures empruntées au latin, ce qui fera de lui un chef d'école, admiré des princes (Jean II, Pedro de Portugal qui lui demandera une copie de ses poèmes) et des poètes : Santillana, Gómez Manrique, Antón de Montoro, Juan de Lucena. Son dernier poème, inachevé, aura plus d'un continuateur ; copieusement cité, à la fin du siècle précédent, dans la Gramática de Nebrija, il sera commenté au xvie siècle par Hernán Núñez. Juan de Mena laissera des traces dans la Célestine, le musicien Salinas racontera qu'on chantait ses poèmes, et Cervantes l'appellera dans Don Quichotte « grand poète cordouan ».

Outre deux ouvrages en prose (le commentaire de son poème la Coronación, 1438, et une réduction de l'Iliade traduite du latin), on donne une place toute spéciale à trois de ses poèmes : le Claro escuro, essai de polymétrie qui n'a pas son égal à l'époque, la Coronación (poème allégorique à la gloire de Santillana), et surtout le Labyrinthe de Fortune, nommé aussi Las Trescientas en raison du nombre approximatif de strophes qui le composent. Cette composition, elle aussi allégorique, est vivifiée par le profond sentiment national, patriotique même, qui l'inspire (elle demande à plusieurs reprises la fin des discordes civiles et la guerre contre l'Infidèle) ; elle renferme d'heureux épisodes, et elle contient quelques-uns des plus beaux vers d'arte mayor, comme celui qui marque la disparition de son guide, la Providence : le poète veut l'arrêter mais, dit-il, « fallé con mis braços mis onbros ceñidos » (« mes bras ne purent ceindre que mes propres épaules »).

— Daniel DEVOTO

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, universités de Buenos Aires et de Paris-Sorbonne, directeur de recherche au C.N.R.S.

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  • CANCIONEROS

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    ...l'interprète de François Ier, le Cancionero de Salvá, de la deuxième moitié du xve siècle, qui renferme des pièces du marquis de Santillana, de Juan de Mena, de Montoro, de Gomez Manrique ; le Cancionero dit de Rennert ou de Garci Sanchez de Badajoz, le Cancionero de Valera, le Cancionero de...