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MARSÉ JUAN (1933-2020)

Juan Marsé - crédits : Eduardo Parra/ WireImage

Juan Marsé

L'Espagnol Juan Marsé commence sa carrière littéraire à la fin des années 1950, à une époque où la tendance est encore au réalisme social. Son premier roman, Encerrados con un solo juguete (1961, Enfermés avec un seul jouet), est effectivement un portrait objectif et assez froid d'une jeunesse bourgeoise (celle de Barcelone, sa ville natale) privée d'idéaux au lendemain de la guerre civile. Il abandonne assez rapidement cette tendance objectiviste pour adopter, notamment avec Ultimas tardes con Teresa (1965, Teresa l’après-midi) et La oscura historia de la prima Montse(1970, L'Obscure Histoire de la cousine Montse), une technique plus ambitieuse et un ton plus personnel, où l'on sent percer de l'ironie et une certaine volonté de distance par rapport à la réalité évoquée.

De toute évidence, l'écriture est d'abord chez Juan Marsé, né le 8 janvier 1933, un moyen de surmonter les difficultés d'une jeunesse particulièrement difficile. Avant d'être admis dans le monde des lettres et, suprême consécration, d'être reconnu par l'intelligentsia barcelonaise, il a dû en effet exercer divers métiers : ouvrier en orfèvrerie, garçon de laboratoire, traducteur de scénarios, etc. Il publie régulièrement dans des revues de chroniques satiriques dont la verve tranche déjà sur le sérieux des premiers récits. Elles seront publiées sous les titres de Señores y Señoras(1975, Mesdames et Messieurs) et surtout Confidencias de un chorizo (1977, Les Confidences d'un loubard).

Sa maturité d'écrivain éclate en 1973, avec le succès de Si tedicen que caí... (Adieu l'amour, adieu la vie...), un remarquable roman à la technique très élaborée. Soucieux de ne plus se laisser enfermer dans les significations par trop univoques de ses premiers récits, Marsé donne désormais de la réalité (de sa réalité) une image éclatée, insaisissable mais extrêmement riche et attachante. Si cette réalité est devenue difficile à identifier, tant s'y mêlent indistinctement affabulation et « vérité », il s'agit encore et toujours de Barcelone, la ville qui a cessé d'être un simple cadre de la fiction pour devenir un personnage à part entière.

C'est à partir de ce roman que Juan Marsé choisit de rester fidèle à une thématique : la vie au jour le jour de quelques personnages pittoresques dans les quartiers populaires de la Barcelone de son adolescence. Il va alors développer toute une mythologie personnelle déjà présente dans Si tedicen que caí..., et qui prend corps dans ses romans ultérieurs comme une « marque de fabrique » inimitable. Dans Un díavolveré (1982, Un jour je reviendrai), Ronda delGuinardó (1984, Boulevard du Guinardo), El Embrujo de Shangai (1993, Les Nuits de Shangai)et Esa puta tan distinguida(2016, Cette putain si distinguée) réapparaissent pêle-mêle, d'un récit à l'autre, comme des images obsédantes, la petite fille mûrie par le malheur, les petits voyous sympathiques et passionnés de cinéma, le policier douteux, l'ex-combattant républicain resurgi du passé, le clochard un peu fou, quelques bourgeoises décadentes, etc. Tout ce petit monde évolue dans l'atmosphère étouffante de la Barcelone de l'après-guerre civile.

Les ambitions trop démonstratives des premiers romans sont abandonnées. Juan Marsé se contente de faire vivre les personnages qui le hantent, avec tendresse et souvent humour, de les montrer dans leur lutte pour la survie à une époque qui fut probablement la plus dure de l'ère franquiste. Il introduit surtout dans ses récits une dimension qui manquait dans ses premiers romans, le rêve, même si ce rêve confine souvent au cauchemar (Caligrafía de los sueños, 2011, Calligraphie des rêves). Sans doute aidé par une passion pour le cinéma, qui imprègne toute sa création, Juan Marsé semble s'être persuadé avec le[...]

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Écrit par

  • : ancien maître de conférences, université de Paris-IV-Sorbonne, U.F.R. de langue et littérature espagnoles

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Juan Marsé - crédits : Eduardo Parra/ WireImage

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