NEGRÍN JUAN (1892-1956)
Né la même année que le général Franco, Juan Negrín López incarne, comme lui, la responsabilité de son camp pour les faits commis durant la guerre d’Espagne de 1936-1939. Les circonstances d’abord, plus que la vocation politique tardive de cet éminent médecin, l’élèvent aux fonctions de ministre des Finances, puis de ministre de la Guerre et de président du Conseil des ministres de la Seconde République en guerre (respectivement du 4 septembre 1936 au 16 mai 1937 et du 17 mai 1937 au 31 mars 1939). Aux yeux de ses nombreux détracteurs, Negrín porte quatre stigmates : la tactique de la « résistance à outrance » sous le slogan « Résister c’est vaincre », l’écrasement de la révolution collectiviste, le fait d’avoir transféré en URSS les réserves d’or espagnoles et l’exécution extrajudiciaire d’Andrés Nin, leader du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), par la police politique soviétique en juin 1937.
Juan Negrín naît en 1892 à Las Palmas de la Grande Canarie, d’un père homme d’affaires et d’une mère appartenant à une famille de propriétaires terriens. Après le baccalauréat, qu’il obtient à l’âge de quatorze ans, il part en Allemagne pour commencer des études de médecine. De retour à Madrid en 1916, titulaire d’un doctorat en physiologie, il se voit confier par Santiago Ramón y Cajal, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1906, un laboratoire au sein de la residenciade estudiantes, puis obtient en 1922 une chaire de physiologie à l’université de Madrid. Il est consacré comme un spécialiste reconnu dans les domaines de la physiologie et de la biochimie, sur la base de ses recherches sur les glandes surrénales, la fonction régulatrice du système sympathique et l’analyse du glucose dans le sang. Réputé pour la qualité de ses diagnostics, il participa de l’essor de la médecine espagnole, formant des élèves comme Severo Ochoa, prix Nobel de physiologie ou médecine en 1959. Outre sa charge de praticien et de professeur, il contribue à la modernisation de l’université espagnole en coordonnant de 1931 à 1934 la construction de la cité universitaire de Madrid.
Avant la crise finale de la dictature du général Primo de Rivera (1923-1930), l’engagement politique de Negrín se limite au soutien à ses amis républicains réprouvés. À partir de 1931, sous la République, c’est en tant que député du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qu’il peut mettre en œuvre ses convictions, sans pour autant arrêter ses activités scientifiques.
Quand se déclenche la guerre d’Espagne, le pays doit protéger ses ressources financières. Imitant ce qu’ont fait de nombreux États pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement espagnol, avant même l’arrivée de Negrín au ministère des Finances, met une partie des réserves d’or nationales en sécurité à l’étranger. L’Espagne républicaine, privée de soutiens en raison de la politique de non-intervention, n’a plus qu’un seul interlocuteur, l’URSS, qui lui fournit des armes en échange du transfert à Moscou de centaines de tonnes d’or des réserves nationales espagnoles. Sur le plan intérieur aussi, Negrín accepte de composer avec le Parti communiste espagnol qui, grâce à ses qualités organisationnelles et au soutien de l’URSS, est alors placé dans une situation d’hégémonie.
En mai 1937, en plein cœur du conflit, Negrín est nommé chef du gouvernement à la place de Largo Caballero. Sa priorité est alors de mobiliser toutes les ressources pour vaincre le camp franquiste et réconcilier les Espagnols. Or, cela semble relever de la mission impossible, car il se confronte au mouvement révolutionnaire collectiviste (anarchistes et certains communistes antistaliniens) d’une part et aux aspirations autonomistes catalanes et basques d’autre part. Par tous les moyens, Negrín cherche à assurer l’unité de la République[...]
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Écrit par
- Manuelle PELOILLE : professeure des Universités, université d'Angers
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