RUIZ DE ALARCÓN JUAN (1580 env.-1639)
L'œuvre
L'œuvre est brève : vingt comedias, publiées en deux tomes (huit en 1628, douze en 1634). Las Paredes oyen (Les murs ont des oreilles), où l'auteur se met lui-même en scène, dénonce le défaut de la médisance ; La Prueba de las promesas (L'Épreuve des promesses), inspirée d'un conte du Conde Lucanor de l'infant don Juan Manuel et dont la construction dramatique très originale juxtapose le temps présent et le temps futur, contient une critique de l'ingratitude ; Mudarse por mejorarse (Changer pour s'améliorer) s'en prend à l'inconstance amoureuse.
Dans ce groupe de comedias d'intention moralisante se détache surtout La Verdad sospechosa (La Vérité suspecte) ; on y voit un jeune homme de noble famille, don García, affligé du vice incorrigible de mentir sans cesse ; prisonnier de ses mensonges, sa punition sera de ne pouvoir épouser la femme qu'il aime et de se marier avec celle qu'il n'aime pas. Corneille, dans Le Menteur (1643), inspiré par la comédie d'Alarcón, lui donne un dénouement moins austère : « Pour moi, écrit Corneille dans son Examen du Menteur, j'ai trouvé cette manière de finir un peu dure et cru qu'un mariage moins violenté serait plus au goût de notre auditoire. » Et, parlant du héros (Dorante, dans la pièce française), il ajoute : « C'est ce qui m'a obligé à lui donner une pente vers la personne de Lucrèce au cinquième acte, afin qu'après qu'il a reconnu sa méprise aux noms il fasse de nécessité vertu de meilleure grâce, et que la comédie se termine avec pleine tranquillité de tous côtés. » La traduction de Goldoni (Il Bugiardo, 1759) contribua aussi à rendre célèbre La Vérité suspecte.
Parmi les comédies de caractères, les plus remarquables sont : El Examen de maridos (L'Examen des maris), qui est une leçon aux jeunes filles sur l'art de choisir un époux ; No hay mal que por bien no venga (À quelque chose malheur est bon), où le héros illustre une attitude non conformiste devant les faux préceptes qui gouvernent le monde social ; et Los Favores del mundo (Les Faveurs du monde), où prédomine l'exaltation des qualités de l'âme.
Le registre d'Alarcón s'étend aussi aux comédies de magie telles que La Cueva de Salamanca (La Grotte de Salamanque), où la mise en scène est très spectaculaire, et aux drames inspirés par l'histoire nationale ou l'Écriture sainte (El Anticristo). El Tejedor de Segovia (Le Tisserand de Ségovie) – seule la seconde partie est d'Alarcón ; la première est sans doute de Lope – et El Dueño de las estrellas (Le Maître des étoiles), à l'intrigue mouvementée, sont animés de passions violentes.
Enfin, dans les drames de l'honneur, Ganar amigos (Se faire des amis), Los Pechos privilegiados (Les Cœurs privilégiés), La Crueldad por el honor (La Cruauté pour l'honneur), le dramaturge met en lumière la valeur éthique du sentiment de la dignité personnelle plus que la signification sociale, souvent aberrante, de cet impératif moral.
La langue d'Alarcón, riche et nuancée, exempte de « mexicanismes », scrupuleusement fidèle au bon usage, contient de nombreux cultismos à la façon de Góngora. Son style, comme son œuvre, est empreint de mesure, d'équilibre et de pondération.
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification
Autres références
-
COMEDIA, Espagne
- Écrit par Charles Vincent AUBRUN
- 2 605 mots
...Le jeune Calderón de la Barca y affûte une nouvelle dramaturgie, rapide, brillante, ponctuée de coups de théâtre (Dame ou fantôme, 1629). Le Mexicain Ruiz de Alarcón morigène la folle jeunesse qui se croit tout permis (Vérité suspecte, source du Menteur de Corneille). Lope de Vega garde toujours...