JUDA HA-NASSI (135-220)
Patriarche de Judée et rédacteur de la Mishna, Juda ha-Nassi, appelé aussi Juda le Saint ou Juda Ier, était le fils du nasi Siméon ben Gamaliel et naquit, selon une tradition haggadique, le jour même de la mort de Rabbi Akiba, pendant les persécutions d'Hadrien. Il fut l'objet, de son vivant même, de la plus grande vénération : sa sagesse, la profondeur de sa spiritualité, son humilité aussi bien que sa richesse et ses liens étroits avec l'autorité romaine donnèrent lieu à des légendes nombreuses. Sa forte personnalité contribua à consolider de manière indiscutable le statut même du patriarcat.
Juda vécut à Bet Shearim, où il dirigeait sa yeshīva, puis, vers la fin de sa vie, à Sepphoris. Il s'appliqua tout particulièrement à renforcer la situation économique des Juifs en terre d'Israël et à définir les institutions nationales et religieuses du pays de façon à maintenir l'unité de la nation. Sa position fut reconnue par l'administration romaine, ce qui, ainsi que sa fortune, lui permit de restaurer la dignité du patriarcat et de lui donner un statut quasi royal. Il est possible même que Juda ha-Nassi ait rencontré un et peut-être deux empereurs romains (Septime Sévère et Caracalla) pendant leur séjour dans la province de Judée. Néanmoins, la circonspection fut le trait dominant de ses relations avec Rome. Au contraire des Samaritains, les Juifs adoptèrent une politique de non-intervention pendant la guerre civile qui éclata, après le meurtre de Clodius en 192, entre Septime Sévère et son rival Pescennius Niger. D'une manière générale, Juda jugeait sévèrement les faiblesses et la décadence de l'Empire, n'étant pas dupe de sa magnificence extérieure.
Juda ha-Nassi et son bet din (tribunal rabbinique) prirent une série de mesures pour améliorer la situation économique des Juifs, tout particulièrement des mesures d'allègement fiscal afin de lutter contre l'abandon des terres. La préférence de Juda ha-Nassi pour l'hébreu plutôt que l'araméen témoigne aussi de ce souci qu'il eut de redonner vie à l'établissement juif en Palestine. Le patriarcat, que Juda éleva au rang d'un véritable gouvernement spirituel et social de la nation, connut de son temps les fastes d'une cour. La richesse du nasi lui permettait aussi d'aider généreusement les étudiants. Entouré d'une véritable aristocratie du savoir, il avait une conception élitiste de la connaissance qui n'alla pas sans susciter un certain antagonisme entre les sages instruits dans la Torah et les masses inéduquées.
Il n'existe pas de tradition clairement définie concernant l'approche et la méthode de Juda ha-Nassi dans sa rédaction de la Mishna. Mais il est sûr que, pour lui, cette dernière ne se présentait pas comme l'achèvement définitif de la halakha ni comme le réceptacle clos de la loi orale ; elle était plutôt une sorte de canon légal auquel son auteur a semblé vouloir donner une forme variée et représentative des différentes traditions. Ainsi, bien que Juda eût produit un code légal, il ne mit pas fin pour autant au développement de la halakha, mais s'attacha surtout à lui donner des fondations solides. Beaucoup d'amoraim de la première génération furent ses élèves, tels Ḥanina bar Ḥama, Yannai ha-Kohen, Levi, Rav, et Ḥiyya, qui fut à la fois son élève et son collaborateur.
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Écrit par
- Michel GAREL : diplômé d'études supérieures de grec, licencié en langue et littérature hébraïques, collaborateur à l'Institut de recherche et d'histoire des textes, C.N.R.S.
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