JUDAÏSME Défis du temps présent
Au sortir de la catastrophe, la seconde moitié du xxe siècle a vu émerger un monde juif transformé portant le deuil inconsolable des siens en même temps que l'espoir de nouveaux commencements. Les causes à l'origine de ces transformations sont diverses, mais leurs effets cumulés ont redessiné la carte juive du monde : mouvements migratoires d'Est en Ouest (amorcés dès les années 1880), puis du Sud vers le Nord, embrasement de l'antisémitisme culminant avec la « solution finale », création de l'État d'Israël, décolonisation, implosion du bloc soviétique. Pour s'en tenir aux seules conséquences démographiques de ces bouleversements, à savoir la destruction physique des juifs d'Europe et l'émigration massive des juifs des pays arabo-musulmans, on retiendra que le xxe siècle aura vu en l'espace de quelques décennies la disparition des deux foyers historiques de la vie juive – le foyer ashkénaze et le foyer séfarade – , la montée en puissance des deux pôles modernes de la vie juive : les États-Unis et Israël, la réémergence d'un judaïsme européen recomposé sous l'effet des migrations. De telles redistributions de populations ne pouvaient rester sans influer sur les contenus de ce qu'on entend par judaïsme ni sur les perceptions et le vécu des juifs eux-mêmes.
Désenchantement et nouveaux commencements
Reconstruction morale et matérielle
La priorité de l'après-guerre devait aller à la reconstruction matérielle et politique d'une Europe ravagée par la guerre qui venait de finir mais déjà divisée par la guerre froide qui commençait. Côté juif, la priorité était la même : la reconstruction et la réinvention de la vie juive dans ses nouveaux cadres géographiques et socioculturels. Reconstruction économique et matérielle du judaïsme européen sur le champ de ruines du génocide ; construction nationale et sociétale dans l'État d'Israël nouvellement créé ; reconstruction spirituelle et morale face à la faillite des démocraties occidentales. Autrement dit, si le désenchantement était profond quant aux promesses de la modernité, les juifs n'en étaient pas moins convaincus de la nécessité de persévérer dans les voies de la modernité, tout en étant pleinement conscients de ses limites et de ses mirages et résolus à exercer la plus grande vigilance.
Suivant de peu la destruction du yiddishland – le monde des shtetl, ces bourgades à forte population juive disséminées dans toute l'Europe centrale et orientale –, le déracinement du judaïsme séfarade de l'Afrique du Nord signait l'arrêt de mort du monde de la tradition, un monde qui, depuis plus d'un siècle déjà, avait connu des fissures profondes dues aux coups de boutoir des émancipations, de la sécularisation, de la colonisation. Ce ne pouvait par conséquent plus être en prenant appui sur la seule tradition que les juifs allaient ré-élaborer les modalités de leur rapport au judaïsme, mais à partir de valeurs, de symboles, de références qui, bien qu'extérieurs à la tradition stricto sensu, allaient contribuer à la renaissance d'une conscience collective juive structurante et mobilisatrice. Est-il nécessaire d'ajouter que cette adaptation au temps et aux lieux a moins été le fait d'un choix mûrement réfléchi que le fruit des circonstances et des évolutions à l'œuvre ? Deux éléments ont joué un rôle mobilisateur dans la reconstruction du judaïsme de l'après-guerre : Israël et la mémoire.
Israël
Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le sionisme n'était pas parvenu à rallier l'ensemble des juifs à sa cause. Il fallut les circonstances dramatiques de la naissance d'Israël au lendemain du plus grand pogrom que l'histoire juive ait connu pour que convergent vers le jeune État l'admiration et la fierté d'un monde juif, dont[...]
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Écrit par
- Régine AZRIA : chargée de recherche au CNRS, membre du Centre d'études interdisciplinaires des faits religieux (CEIFR) à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
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