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JUDAÏSME Défis du temps présent

L'identité questionnée

L'antisémitisme persistant

Non sans lien avec ce qui précède, un troisième motif rassemble les juifs autour d'une cause commune par-delà leurs dissensions internes : la lutte contre l'antisémitisme dont on avait pensé, naïvement, que le nazisme l'aurait disqualifié à jamais. Que ce soit sous les formes traditionnelles de l'antijudaïsme chrétien ou musulman, du nationalisme, du racisme, de la xénophobie ou sous les formes renouvelées du négationnisme, de l'antisionisme, de l'islamisme voire d'un certain altermondialisme, l'antisémitisme a refait une apparition remarquée dans les discours et dans les faits. Ce « retour » alimente bien des débats quant à l'évaluation de son ampleur réelle et de sa nature et quant aux analyses et interprétations qu'il convient de privilégier pour en rendre compte de la façon la plus objective. Si l'on est fondé à attribuer aux flambées de violence du Moyen-Orient, nourries par une propagande complaisamment relayée par les médias et Internet, l'origine de certaines des agressions verbales ou physiques visant des personnes, des institutions ou des biens juifs en diaspora, on ne saurait pourtant en rester à ce seul niveau d'analyse. Cet article n'étant pas le lieu d'un tel développement, nous nous bornerons à relever le caractère passionnel des débats autour des formes actuelles des violences antijuives. Ce qu'il convient d'en retenir ici est le fait que, comme le surgissement de l'État d'Israël dans le paysage international et dans la vie juive moderne, cette résurgence de l'antisémitisme et les réactions qu'elle provoque, enjoignent en quelque sorte aux juifs d'assumer une judéité à laquelle ils se voient assignés de l'extérieur.

Mais à l'évidence la solidarité avec Israël, les pratiques mémorielles, la lutte contre l'antisémitisme restent partiellement externes au vécu juif, même si la résonance de chacun de ces thèmes est forte. Ils n'invitent, au mieux, qu'à des pratiques intermittentes et ponctuelles (manifestations, collectes, cérémonies) et n'impliquent pas pour les acteurs l'engagement dans un mode de vie intégralement vécu sur le mode juif, au même titre que le respect des prescriptions alimentaires (la cacherout) ou l'observance du sabbat. Dans les sociétés démocratiques modernes qui constituent désormais le cadre de vie de la quasi-totalité des juifs, ces motifs de mobilisation s'insèrent entre les rubriques d'un agenda social, professionnel et mondain où la dimension juive de l'identité n'est qu'une parmi d'autres, où le fait d'être juif n'unifie plus une vision totalisante du monde, où la conscience de la judéité se mêle à d'autres appartenances, nationales ou sociales, à d'autres engagements, politiques, humanitaires ou professionnels, qui mobilisent d'autres valeurs et d'autres références dont la hiérarchisation varie selon les circonstances. Ce constat vaut pour les juifs américains comme pour les juifs européens. Jusqu'à un certain point il vaut aussi pour les juifs d'Israël, à cette réserve près qu'Israël est aujourd'hui le seul pays au monde où l'on risque quotidiennement de trouver une mort violente dans une action militaire ou un attentat terroriste parce qu'on est juif, une réalité qui fait du maintien d'une identité juive un enjeu existentiel de chaque instant.

Désécularisation ?

Pour autant, l'histoire n'est pas figée et d'autres évolutions notables sont à l'œuvre. Bien qu'elles restent le fait de groupes minoritaires, leur visibilité, leur pénétration dans les institutions communautaires, leur impact enfin, diffus mais réel, sur l'ensemble du monde juif, incitent certains analystes à parler de [...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au CNRS, membre du Centre d'études interdisciplinaires des faits religieux (CEIFR) à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

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