JUDAÏSME Histoire du peuple juif
Le judaïsme au Moyen Âge
Des travaux récents ont montré que l'exilarcat et le gaonat survécurent jusqu'au xiiie siècle, et, dans la France du xie siècle, Salomon ben Isaac, commentant le texte de la Genèse « Le sceptre ne quittera point Juda » (xlix, 10), reprend une formule talmudique : « De génération en génération ce sont les exilarques de Babylone qui régentent le peuple avec le sceptre. » Des geonim exercèrent encore une certaine influence au point de supplanter parfois l'exilarque, tel Samuel ben Ali Ha-Lévi (mort en 1207). En fait, leur autorité se limite à Bagdad où ils résident. Le chroniqueur hébreu Abraham ibn Daud note au xie siècle : « Après Ézéchias, qui fut le chef de l'Académie et exilarque, les académies et les geonim cessèrent d'exister. Mais auparavant déjà, le Saint – béni soit-Il ! – avait décrété l'arrêt des subsides qu'envoyaient aux académies les pays d'Espagne, du Maghreb, d'Afrique, d'Égypte et du pays d'Israël. » Cette notation demeure historiquement valable. Le peuple juif se répartit en noyaux pratiquement autonomes, les communautés, dont les principales – en Espagne, en France, en Allemagne – rayonnent sur une région. La Terre sainte retrouve aussi – contrecoup des croisades ? – une influence croissante. D'une part, la liturgie, l'enseignement rabbinique du Talmud, la lecture des chroniques hébraïques, le traumatisme causé par les massacres des xie et xiie siècles déterminent chez les Juifs une conscience de nation en exil aspirant à son terroir d'origine. D'autre part, des pèlerins et chefs spirituels reconstituent des communautés dans la Terre sainte des croisés. Les voyageurs Benjamin de Tudèle et Petaḥia de Regensburg composent des Itinéraires en hébreu qui font connaître la Terre sainte à la Diaspora. En 1211, trois cents rabbins de France et d'Angleterre gagnent Jérusalem. Vers 1250, le rabbin français Yéḥiel ben Joseph fonde à Saint-Jean-d'Acre une académie dite « Yešībā de Paris ». En dépit de ces tentatives, les écoles de la Terre sainte n'ont qu'un ascendant symbolique sur les communautés de l'Exil.
La communauté médiévale
Exclus progressivement de la société à l'instigation des conciles, les Juifs finissent par ne plus être tolérés qu'en fonction de leur utilité immédiate, et par être confinés dans des quartiers séparés. S'ils cultivent encore des terres en Grèce, en Espagne, en Languedoc, en Champagne, des règlements leur en refusent bientôt la propriété. S'ils pratiquent l'artisanat, principalement le travail des peaux et la teinture des étoffes, les corporations chrétiennes les chassent bientôt des corps de métiers. Le crédit, proscrit par l'Église, est pratiqué par les Juifs à un taux légal dépassant parfois 40 p. 100 par suite de la rareté du numéraire. Princes et seigneurs concèdent des chartes à des familles, et parfois à des communautés, à condition que les Juifs prêtent à leurs sujets et leur versent de lourdes taxes. Mais le prêt sur gages fonciers est accaparé par les monastères tandis que le crédit commercial devient le monopole des marchands italiens, Lombards ou Cahorsins. Les Juifs sont rejetés vers un crédit à court terme qui les expose à l'hostilité populaire. Seule profession honorable dont les règlements ne parviennent pas à les exclure, la médecine juive jouit d'une réputation universelle.
La communauté a les caractères d'une entité nationale. Elle lève sur ses membres l'impôt et en verse une part au seigneur ou au roi. Dans la vie quotidienne, à l'école même, les Juifs emploient bien la langue du pays, mais c'est exclusivement en hébreu qu'ils écrivent, transcrivant, il est vrai, en caractères hébreux des expressions de l'idiome courant et même des morceaux littéraires.[...]
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Écrit par
- Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Médias
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