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JUDAÏSME Histoire du peuple juif

L'émancipation (1650-1880)

Entre la fin de la guerre de Trente Ans (1648) et l'apparition d'une idéologie et d'un parti antisémites en Allemagne (1879), le judaïsme tend à perdre sa spécificité nationale pour se transformer en un corps purement ecclésiastique. Par suite de l'évolution des idées et des mutations politiques et économiques de l'Occident, les Juifs accèdent graduellement à l'égalité des droits. Les forces vives du judaïsme s'emploient à parfaire cette égalité et à l'obtenir dans les pays où elle n'est pas acquise. Il n'en reste pas moins que les Juifs du monde slave et ceux du monde musulman, qui n'échappent pas à leur condition d'opprimés, constituent l'écrasante majorité du peuple juif. Le système médiéval se cristallise dans l'Empire russe en plein essor aussi bien qu'en Afrique et en Asie. Cependant, le modèle occidental apparaît comme exemplaire pour la plupart des communautés juives qui souhaitent une émancipation. Inversement, les Juifs émancipés considèrent que l'émancipation est la solution pour tous et acceptent son corollaire, l'assimilation. Mais, compte tenu de la disparité géographique des rythmes d'évolution, la tendance à l'assimilation, perceptible en Occident, est pratiquement inexistante en Orient durant toute cette période. Des courants contraires se manifestent : l'immigration croissante des Juifs en Terre sainte est remarquable à cet égard ; les Séfarades, installés depuis le xvie siècle, sont rejoints au xviiie siècle par des groupements ashkénazes venus de Pologne. Pour assister les nouvelles communautés et leurs académies de Jérusalem, Safed, Hébron et Tibériade, des émissaires visitent annuellement la Diaspora, recueillant des offrandes, dispensant des homélies et des consultations de droit, renforçant les liens des communautés entre elles et avec la Terre sainte. On pourrait, à la limite, opposer deux tendances : l'une, centrifuge, axée sur l'émancipation et l'assimilation ; l'autre, centripète, axée sur le retour à Sion. Jacob Tirado, alias James Lopez da Costa, marrane portugais, fondateur de la première communauté moderne d'Amsterdam, qui finit ses jours en Terre sainte, les incarnerait toutes deux en sa personne.

Les nouvelles communautés occidentales

Avec la venue de marranes fuyant l'Espagne et le Portugal apparaissent en Occident de nouvelles communautés qui recevront une immigration continue au xviie et au xviiie siècle. Après quelques difficultés, les magistrats d'Amsterdam admettent l'établissement d'une colonie portugaise et lui laissent une autonomie très large. Déjà familiers de la société chrétienne dans la péninsule Ibérique, ces Portugais participent à l'essor économique des Provinces-Unies. Après l'organisation de Bet Yahacob en 1598, d'autres communautés juives apparaissent à Amsterdam et dans d'autres villes. Pourvue d'une magnifique synagogue, l'Esnoga (1675), d'une école juive modèle, d'une cour rabbinique aux membres prestigieux comme Saül Halévi Morteira, pépinière d'écrivains espagnols ou portugais, Amsterdam exercerait une véritable hégémonie sur l'ensemble du judaïsme d'origine péninsulaire. On lui doit l'apparition de communautés juives dans le Nouveau Monde et particulièrement à la Nouvelle-Amsterdam (future New York) en 1654. Elle donne le jour à Baruch Spinoza, que le conseil de la communauté excommunie le 27 juillet 1656, peut-être en raison de ses opinions hérétiques.

Des réfugiés portugais s'installent en Angleterre au début du xvie siècle : ils célèbrent clandestinement le culte juif à Londres. Sous Élisabeth Ire, des Juifs portugais connaissent une certaine notoriété, en particulier l'informateur de la reine, Hector Nuñez,[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Médias

Harun al-Rashid - crédits : Edward Gooch/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Harun al-Rashid

Victimes d'un pogrom antisémite, vers 1910 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Victimes d'un pogrom antisémite, vers 1910

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