JUDAÏSME Histoire du peuple juif
La guerre contemporaine à partir de 1880
Ce qu'on peut appeler la guerre contemporaine débute le 25 avril 1881 par une pétition signée de 250 000 personnes réclamant au chancelier de l'Empire allemand le retrait des mesures d'émancipation des Juifs et l'interdiction de toute immigration nouvelle. Appuyé par Bismarck, qui est en conflit avec les libéraux, Adolf Stöcker, prédicateur à la cour impériale, avait fondé l'Union des travailleurs socialistes chrétiens dont le programme politique était ouvertement antisémite (1880). En 1881, Adolf Stöcker est élu député à la Diète impériale. Étayé par des mouvements et assauts « spontanés » à travers l'Europe, l'antisémitisme moderne se donne une doctrine, des journaux, des idéologues : il mène des opérations efficaces (pogroms, diffusion de libelles diffamatoires, fausses accusations) en Europe centrale, orientale et occidentale. Certes, la société moderne ne se déclare pas en guerre contre le judaïsme, mais ce dernier subit une guerre totale dont la « solution finale » est l'épisode le plus brutal, mais non le seul : entre les pogroms russes du xixe siècle finissant et ceux de l'Ukraine naissante en 1919, de la Palestine juive de 1939 et des pays arabes après 1948, il n'est pas de solution de continuité. Trêves et armistices, traité de paix même, acceptés au Moyen-Orient de 1948 à 1983 ne font qu'amplifier et définir l'état du judaïsme dans le monde contemporain : celui d'un peuple en guerre.
L'antisémitisme moderne
S'il ne répudie pas la vieille haine médiévale du Juif, l'antisémitisme moderne est plus hostile à la personne physique qu'à la confession religieuse. Selon les auteurs, le Juif est un étranger indésirable, un individu appartenant à une race inférieure qu'il faut soumettre à une ségrégation rigoureuse, un « microbe » à détruire. Un thème supplémentaire apparaît avec la production d'un faux par la police russe, les « Protocoles des Sages de Sion » (1904), selon lequel une conspiration juive internationale serait à l'œuvre pour asservir tous les pays chrétiens. Les États réactionnaires, Allemagne, Russie, Autriche-Hongrie sont les premiers à propager ces « doctrines ». Mais la France est atteinte aussi : l'ouvrage d' Édouard Drumont, La France juive (1886), bénéficie d'éditions multiples et développe le thème de la responsabilité des Juifs dans la misère des travailleurs. L'animosité contre les Juifs est popularisée par les moyens modernes de diffusion : la presse catholique en est le véhicule efficace (La Croix). Dans la France de la IIIe République, l'affaire Dreyfus révèle une opinion largement antisémite (1894). Ailleurs, des candidats se présentent aux élections sous l'étiquette antisémite : le 11 mars 1895, l'un d'eux, Lueger, est élu maire de Vienne (Autriche). Les Juifs, persuadés du caractère temporaire de l'offensive, s'emploient à réfuter les thèses antisémites.
Les pogroms dans la Russie tsariste
L'avènement d' Alexandre III, flanqué de Pobiedonostzev, procureur du Saint-Synode, prélude à une série d'assauts populaires contre les quartiers juifs. Le phénomène découle en partie de l'agitation antisémite importée d'Allemagne, en partie d'une politique du gouvernement qui tient dans ce programme : « Un tiers des Juifs sera converti, un tiers émigrera, un tiers périra. » En 1881 éclatent plus de cent pogroms, particulièrement à Elisabethgrad (27-28 avril), Kiev (8-9 mai), Odessa (15-17 mai). Le pogrom est perpétré par des ouvriers et des artisans, auxquels se joignent des paysans des environs. Les maisons et boutiques sont pillées. Suivent les meurtres et les viols. La police n'intervient pas et la troupe arrive trois jours après le début[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Médias
Autres références
-
ADAM
- Écrit par André-Marie DUBARLE
- 1 758 mots
En hébreu, le nom commun adam, toujours employé au singulier, signifie « homme » en tant qu'espèce et non en tant qu'individu de sexe masculin. L'étymologie en est discutée. Le récit de la Genèse(ii, 7) l'a rapproché du mot adamah, « terre », mais c'est peut-être là...
-
AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale
- Écrit par Roland POURTIER
- 24 465 mots
- 27 médias
...influences moyen-orientales et méditerranéennes, l'Afrique du Nord et du Nord-Est a précocement adhéré à l'un ou l'autre des monothéismes nés au Moyen-Orient. Le judaïsme a longtemps été présent dans les villes du Maghreb, notamment au Maroc avec ses quartiers juifs, les mellâh. La plupart des juifs d'Afrique... -
ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D'
- Écrit par Jean PÉPIN
- 2 186 mots
Ces diverses tendances philosophiques, dont la cohérence originelle était, on le voit, passablement ébranlée, se trouvaient d'autant plus aptes à intéresser une partie importante de la population d'Alexandrie : la communauté juive. L'implantation juive en Égypte est attestée dès le ... -
ALLIANCE, histoire biblique
- Écrit par Jacques PONS
- 950 mots
- Afficher les 100 références