JUDAÏSME Le judaïsme contemporain
Dans l'existence à part et l'autonomie qu'il a eues au cours du temps, le peuple juif avait vécu sous sa propre régulation talmudique et post-talmudique. Le point d'arrivée de cette législation s'est exprimé dans le Shulhan arukh de Joseph Caro (1488-1575), dont on a pu dire qu'il organisait un univers juif en soi, familial et communautaire, de telle sorte qu'aucune perturbation d'ordre extérieur ou historique ne pût venir le modifier, sinon la possibilité théorique de l'événement messianique, que la halakha laisse, d'ailleurs, hors de ses perspectives. Le retour de la dimension historique dans le judaïsme à l'époque de l'Aufklärung allait entraîner l'émergence du mouvement des Lumières juives, la Haskala. Ce courant, qui coïncidait chronologiquement avec la plus haute synthèse jamais réalisée de tous les commentaires du judaïsme talmudique, celle du Gaon de Vilna (1720-1797), a été interprété par un historien de la kabbale, Gershom Scholem, comme étant le contrecoup de l'accueil mystique qui avait été réservé par la quasi-totalité du monde juif à Sabbatai Tsevi. Plutôt que comme des mouvements antagonistes, le hassidisme et la Haskala, qui se sont affrontés au xviiie et jusqu'au xixe siècle, peuvent apparaître comme des courants précurseurs du judaïsme existentiel, présent au monde, évolutif, qui caractérise l'époque moderne.
Le courant réformé
Le judaïsme contemporain s'exprime sous la forme de trois tendances principales : libérale ou réformée, orthodoxe, conservatrice. Le mouvement du judaïsme libéral ou réformé est né en Allemagne, au cours du xixe siècle, après l'émancipation. Il a commencé apparemment par l'initiative, prise par quelques laïcs, de modestes changements apportés à la liturgie, pour devenir peu à peu un vaste courant de réinterprétation, s'étendant en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. C'est dans ce dernier pays qu'il a trouvé son expression radicale, avec la Plate-forme de Pittsburgh (1885) : « Nous déclarons que des lois mosaïques ou rabbiniques telles que les lois alimentaires, de la pureté sacerdotale et des vêtements sont nées à des époques et sous l'influence d'idées complètement étrangères à notre esprit actuel et à nos exigences spirituelles […]. Nous ne nous considérons plus aujourd'hui comme une nation, mais comme une communauté religieuse et donc nous n'attendons pas un retour en Palestine ni le rétablissement du culte sacrificiel confié aux fils d'Aaron ni la restauration des lois relatives à l'État juif. » Par ce constat du changement survenu dans l'existence juive et par cette prise de position tranchée, les trois questions modernes fondamentales de l'identité, des formes de vie et de la différence juives étaient posées. La liturgie, les lois et la politique peuvent changer, mais ces trois fondements doivent demeurer en vue de faire advenir dans le monde un royaume de vérité, de justice et de paix.
À l'expérience, les thèses de 1885 apparurent utopiques. Le mouvement du judaïsme réformé maintint ses questions, mais il en vint peu à peu à modifier ses réponses. Si le juif réformé prétend toujours se nourrir, se tenir et se vêtir comme les autres citoyens, il en appelle de plus en plus aux sources juives anciennes au lieu de les considérer comme désuètes (assemblée de Columbus, Ohio, 1937). Ce qui a changé dans le judaïsme depuis son époque constitutive, celle de la Mishna et du Talmud, c'est son rapport à la société ambiante. Il doit avoir pour souci actuel de se prémunir contre une société ouverte, caractérisée par des visées assimilationnistes et unificatrices, tout en partageant les mêmes valeurs : progrès, droits de l'homme et liberté de conscience. L'initiateur de ce judaïsme réformé fut Abraham Geiger (1810-1874),[...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
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