JUDAÏSME Le judaïsme contemporain
Le courant conservateur
Entre la réforme et l'orthodoxie, la tendance du judaïsme conservateur apparut, elle aussi, en Allemagne au xixe siècle, mais elle prit forme en Amérique un peu plus tard (notamment avec la fondation du Jewish Theological Seminary par Solomon Schechter à New York en 1886). Reprochant au judaïsme réformé de demeurer trop expérimental et de ne pouvoir fonder ses positions, et au judaïsme orthodoxe de se présenter comme « éternel » sans faire la part des développements historiques qui ont conduit à la constitution de son corps de doctrines tel qu'il est reçu actuellement, les rabbins qui ont inauguré la tendance conservatrice considèrent que l'unité du judaïsme consiste dans la Tōrah, telle qu'elle est vécue hic et nunc à chaque époque. Mais cette néo-orthodoxie laisse le judaïsme devant une certaine inconnue, en particulier en ce qui concerne son eschatologie. Pour les conservateurs, le judaïsme doit se considérer comme une « orthopraxie » plutôt que comme une orthodoxie. Seule une étude de l'histoire peut apporter la justification de ce qu'il est en fait devenu, et seul le temps pourra définir la direction dans laquelle il est appelé à aller. Le judaïsme est unifié par la loi et les préceptes, même si tous les juifs ne pensent pas de la même façon. Le slogan un peu ironique « Mangez cachère et pensez treif » caractérise bien cette attitude. L'orthopraxie, concept moderne s'il en est, signifierait qu'il est possible d'avoir une conduite pratique régulière sans pouvoir la fonder et qu'on peut vivre selon la règle sans savoir quelle elle est.
La tendance conservatrice se veut être l'expression de la ligne majeure des juifs d'aujourd'hui. Elle convient assez bien à l'esprit anglo-saxon, où elle bénéficie d'un certain succès ; et elle est assez propice à justifier la position des organes consistoriaux des pays européens, où il s'agit souvent de trouver des compromis entre la règle, reconnue comme traditionnelle, et la pratique, souvent établie à distance de cette dernière. Si le conservatisme doit admettre, tant dans ses principes théologiques que dans ses facteurs sociologiques, la flexibilité de sa position, il peut se prévaloir de penseurs illustres et atteindre à une grande pertinence dans ses conclusions. On peut lui assigner comme origine la publication par Leopold Zunz en 1851 de l'ouvrage de Nahman Krochmal, Le Guide des égarés de ce temps, qui annonçait une nouvelle ère du judaïsme, en évoquant par son titre même le célèbre livre de Maimonide. Il fut suivi par les Voies de la Mishna de Zacharias Frankel en 1859, ouvrage de référence essentiel du judaïsme conservateur, bien qu'assez dépassé aujourd'hui. Frankel lisait le Talmud historiquement, c'est-à-dire qu'il l'attribuait à l'esprit inventif et créatif de ses maîtres. Depuis sa publication, cette œuvre, sans cesse pillée, car elle fut la première tentative de lecture critique du Talmud (elle sera prolongée par celle de David Hofmann), a été surtout réfutée – elle laisse de côté, en effet, l'idée qu'il y aurait dans le Talmud une méthode proprement juive qui en assure le caractère typique et la pérennité – mais elle s'est imposée.
Comme l'indique son nom, le judaïsme conservateur entend répondre aux questions nouvelles sans se présenter lui-même comme une innovation. Il s'est aujourd'hui rapproché de la tendance libérale, mais avec des différences importantes dans la façon d'aborder les questions. Il affirme apporter peu de changements à la halakha, tout en instaurant un grand débat autour de chaque cas. Il engage d'immenses mutations dans l'approche de la loi et dans la façon de comprendre l'identité juive, tout en minimisant le changement qu'il a institué. Il adhère donc à l'idée d'un développement du judaïsme[...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
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