GAUTIER JUDITH (1845-1917)
Fille de Théophile Gautier et d'Ernesta Grisi (sœur de la danseuse Carlotta Grisi). Élevée dans une absolue liberté, Judith passe sa petite enfance à la campagne où elle mène une existence de sauvageonne ; aussi la règle de la vie de couvent, celui de Notre-Dame-de-la-Miséricorde où elle se retrouve pensionnaire, lui paraît-elle lourde. Dès son plus jeune âge, elle fréquente, dans le salon de son père, Banville, Flaubert, les Goncourt, Baudelaire, Champfleury, Arsène Houssaye, Gustave Doré. Son premier article, une critique de la traduction d'Eureka d'Edgar Poe par Charles Baudelaire, est publié dans Le Moniteur et lui vaut les félicitations du poète. Comme on la surnomme Ouragan en famille, Baudelaire lui prédit qu'elle causera « des naufrages ». Alors qu'elle n'est encore qu'une petite fille, son père recueille un mandarin chinois réfugié politique, Ding Dunling. Sous sa conduite, Judith Gautier traduit, recopie, adapte livres et manuscrits ; elle se spécialise en littérature et civilisation chinoises. Elle étendra son champ d'investigation au Japon et à tout l'Extrême-Orient, ainsi qu'aux civilisations du Moyen-Orient. Elle recrée l'atmosphère des pays évoqués avec un sens poétique rare, comme en témoignent ses gracieux contes chinois, où l'art du récit confine à la perfection.
Son œuvre se compose de recueils poétiques (Le Livre de jade, publié sous le pseudonyme de Judith Walter à l'âge de dix-sept ans, poèmes traduits du chinois ; Poèmes de la libellule, traduits du japonais), de romans (Lucienne, 1877 ; Isoline, 1882), de romans exotiques, genre où elle a excellé (Le Dragon impérial, 1869, signé Judith Mendès ; L'Usurpateur, 1875 ; Iskender, histoire persane, 1894 ; Le Vieux de la montagne, 1893 ; Les Princesses d'amour, 1900), de contes (Les Cruautés de l'amour, 1879, où elle fait preuve d'un sens du comique savamment dosé ; La Femme de Putiphar, 1884 ; Fleurs d'Orient, 1893), d'études sur les civilisations de l'Orient et de l'Extrême-Orient et de récits de voyages (Les Peuples étranges, 1879 ; En Chine, 1911 ; Dupleix, 1912 ; l'Inde éblouie, 1913), de mémoires (Le Collier des jours, 1904). Judith Gautier a aussi écrit pour le théâtre (Le Jeu de l'amour et de la mort, La Marchande de sourires, 1888), en collaboration avec Pierre Loti. Musicologue, elle a enfin publié Les Musiques bizarres à l'Exposition de 1900 (musiques chinoise, javanaise, indo-chinoise, japonaise, égyptienne, malgache) et Richard Wagner et son œuvre poétique (1882).
En 1866, Judith avait épousé Catulle Mendès dont elle divorça vite, ayant pris conscience qu'il n'était ni un mari modèle ni un écrivain génial. Douée d'une beauté aussi saisissante que son intelligence était vive, elle ne manqua pas d'adorateurs ; parmi eux, deux génies se détachent : Victor Hugo, qu'elle admirait depuis son enfance, auquel elle fit sans doute les premières avances et qui lui offrit un de ses plus beaux poèmes d'amour, Ave, Dea : moriturus te salutat (Toute la lyre, v, 34) ; Richard Wagner, qu'elle avait découvert une des premières en France et dont elle fut la dernière passion en même temps que la propagandiste intrépide (voir Lettres à Judith Gautier par Richard et Cosima Wagner, 1964 ; les originaux des lettres sont en français).
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Écrit par
- France CANH-GRUYER : diplômée d'études supérieures de littérature française
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