LEMIRE JULES AUGUSTE (1853-1928)
Né à Vieux-Berquin, près d'Hazebrouck, dans une famille de fermiers, Jules Lemire étudie au collège Saint-François d'Hazebrouck puis au grand séminaire de Cambrai ; il est ordonné prêtre en 1878. Professeur de philosophie et de rhétorique au collège Saint-François d'Hazebrouck pendant quinze ans, catholique intransigeant, légitimiste, il évolue à partir de 1883. Il souhaite l'acceptation par l'Église des libertés modernes et la réconciliation de l'Église et du peuple ; en lui se rejoignent donc le catholicisme libéral et le catholicisme social. Il donne des articles à La Revue de Lille et à la Réforme sociale, publie la biographie de son maître l'abbé Dehaene (L'Abbé Dehaene et la Flandre, 1893) et un essai sur Le Cardinal Manning et son action sociale (1893). La même année, il se présente aux élections à Hazebrouck et est élu au second tour, par un électorat populaire qui préfère le prêtre démocrate aux notables.
Désormais, l'abbé Lemire est l'une des figures les plus représentatives de la « seconde démocratie chrétienne ». Il incarne pendant un temps les espérances d'une minorité appréciable de laïcs et de prêtres. Les congrès ecclésiastiques de Reims (1896) et de Bourges (1900) révèlent son désir d'une réforme du clergé séculier devenu missionnaire. Avec le début du siècle, la reprise de la politique anticléricale, la montée de l'hostilité des catholiques conservateurs à l'encontre de l'abbé Lemire, le prêtre-député est de plus en plus isolé ; il incarne alors les efforts du petit groupe des « catholiques républicains » qui cherchent à éviter la rupture entre l'Église et la République. Hostile aux conditions dans lesquelles se fait la séparation de 1905, il est cependant favorable à l'application de la loi et à l'acceptation des libertés cultuelles ; Pie X désapprouve officiellement sa tentative pour constituer des mutualités ecclésiastiques, ultime effort pour placer l'Église sur le terrain du droit commun.
En 1910, il eut pour la première fois depuis 1893 un candidat catholique en face de lui, et fut élu au second tour avec les voix des républicains. La crise « lemiriste » s'ouvrait, qui opposa l'abbé d'abord à l'archevêque-coadjuteur de Cambrai, Mgr Delamaire, puis au premier évêque du nouveau diocèse de Lille, Mgr Charost. Celui-ci frappa de suspense l'abbé Lemire en janvier 1914. Il n'en fut pas moins réélu député et élu maire d'Hazebrouck. C'est en 1916 que Benoit XV intervint pour mettre fin à la suspense. En 1919 et en 1924, l'abbé Lemire fut réélu député sur une liste de coalition, réunissant républicains modérés et radicaux. Après 1914, ses interventions à la Chambre, hormis sur la question de l'école et de l'ambassade au Vatican, se font plus rares.
Fidèles aux grandes sources d'inspiration du catholicisme social, l'abbé Lemire se distingua de ses amis par une insistance plus marquée à défendre la famille et les valeurs de la terre, par une confiance plus grande en l'intervention de l'État. Il fonda en 1896, la Ligue française du coin de terre et du foyer, qui diffusa l'idéal « terrianiste » et anima les œuvres de Jardins ouvriers. Il s'attacha à faire voter une loi instituant le bien de famille insaisissable, qui n'eut guère de conséquences pratiques. L'abbé Lemire est associé à toutes les initiatives en matière de législation sociale de l'époque : réduction de la durée du travail, retraites, protection de la famille. Il devait faire paraître en 1906 Les Jardins ouvriers, en 1907 Le Travail à bon marché et en 1911 Le Travail de nuit des enfants dans les usines à feu continu. Défenseur du ralliement, des « abbés démocrates » et du Sillon, sa préoccupation la plus vive[...]
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Écrit par
- Jean-Marie MAYEUR : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne.
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