Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BARBEY D'AUREVILLY JULES (1808-1889)

Une critique d'humeur

Barbey d'Aurevilly vint à la critique littéraire par nécessité, ne pouvant obtenir la rédaction politique qu'il souhaitait ; il s'y habitua sans s'y complaire jamais, et y mit toute sa violence, ses colères, son goût de la bataille. Des « éreintements » célèbres marquent les étapes de sa carrière : Les Contemplations, Les Misérables, L'Éducation sentimentale, les romans de Zola... Ils ont fait oublier un peu que Barbey d'Aurevilly défendait Balzac, Stendhal, Baudelaire... En apparence, sa critique est dogmatique, strictement et parfois étroitement catholique, intransigeante. Le mouvement vrai est autre, c'est une critique d'humeur, d'instinct, de goût. Même s'il n'en a pas toujours conscience, Barbey cherche dans une œuvre la sensibilité dont elle témoigne. L'accord ou le désaccord sur ce plan profond décide du jugement : ainsi peut-il critiquer des écrivains catholiques et faire l'éloge de Stendhal. La passion, l'esprit, la grâce sont ses critères plus que l'orthodoxie. Non qu'il y soit insensible, mais elle lui importe pour confirmer un jugement, non pour le fonder. Les oppositions se situent à un autre niveau que celui des idées. Détestant la démocratie, la « philanthropie », la fadeur, le matérialisme qui réduit la littérature au réalisme, il eut plus de haines que d'admirations. Il ne le regrettait nullement, aimant la bataille – tempérament agressif qui se définit plus aisément dans l'opposition. L'éreintement peut d'ailleurs n'être pas incompréhensif : il a admirablement compris Madame Bovaryou La Faute de l'abbé Mouret, par exemple, même si la sécheresse apparente de Flaubert le heurte, ou si le « naturalisme » de Zola le met hors de lui. Un style capricieux, imagé et violent, soutient admirablement cette critique.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Besançon

Classification

Média

<em>Jules Barbey d’Aurevilly</em>, Carolus-Duran - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jules Barbey d’Aurevilly, Carolus-Duran

Autres références

  • LES DIABOLIQUES, Jules Barbey d'Aurevilly - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 948 mots
    • 1 média

    Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889) a vécu de son métier de journaliste plus que de son œuvre proprement littéraire. Une trentaine de volumes rassemblant ses critiques de livres, de pièces de théâtre, ses articles polémiques furent publiés, en grande partie après sa mort. Toutefois, son travail...

  • DANDYSME

    • Écrit par
    • 1 978 mots
    • 5 médias
    ...voit en Brummell « l'existence la plus curieuse que le xviiie siècle ait produite en Angleterre et peut-être en Europe ». Mais c'est surtout Barbey d'Aurevilly et Baudelaire qui transforment le personnage en type idéal, modifiant profondément l'invention de Brummell. Le passage par la littérature...
  • PASSAGES, architecture

    • Écrit par
    • 7 088 mots
    ...passage s'effrite, sa nouveauté a vieilli et les auteurs se font désormais l'écho des jugements négatifs que le public commence à porter sur les passages. Barbey d'Aurevilly les boude car il y voit la matérialisation d'une modernité haïe et un lieu anti-aristocratique par excellence, un temple du commerce...
  • SATANISME, littérature

    • Écrit par
    • 3 570 mots
    • 1 média
    ...la « postulation vers Satan » s'impliquent et se conditionnent mutuellement. Quels qu'aient été les sentiments religieux de Baudelaire, on comprend que Barbey d'Aurevilly ait déclaré : « Après Les Fleurs du mal, il n'y a plus que deux partis à prendre pour le poète qui les fit éclore : ou se...