GUESDE JULES (1845-1922)
Le nom de Jules Guesde est indissolublement lié à un courant historique du socialisme français, le guesdisme, qui apparaît dans les années 1880 et qui a joué un rôle important dans la fondation de la Section française de l'Internationale ouvrière (S.F.I.O.) en 1905.
« Le socialisme fait homme » : ainsi a-t-on souvent qualifié Jules Guesde. Nul doute qu'il ait exercé sur ses « fidèles » et même sur d'autres une extrême influence. Son meilleur portrait est celui qu'a brossé Claude Willard : « Dès l'abord extérieur, le personnage apparaît peu banal : grand, prodigieusement maigre, la peau du visage d'une blancheur maladive, des cheveux abondants et foncés, rejetés en arrière à la mode romantique ; une barbe prophétique ; sous un front immense et bombé, surmontés d'arcades sourcilières prononcées, des yeux de myope brillent d'un éclat vif derrière un binocle mal assujetti. Une démarche raide, avec un mouvement saccadé des bras et des jambes. » Presque toujours malade, souvent proche de la misère, il a de l'apôtre le désintéressement et l'optimisme abstrait, l'enthousiasme contagieux, le courage personnel, la véhémence. Mais, dès 1893, sa pensée s'éloigne du réel et se fige.
L'individu Guesde ne fut pas toujours « guesdiste », et le guesdisme lui-même, qui d'ailleurs survit à Guesde, a une histoire. Dans quelle mesure sa tradition est-elle encore vivante aujourd'hui ?
La découverte du socialisme
Né le 11 novembre 1845, dans la banlieue de Paris, Jules Guesde, de son vrai nom Jules Basile, découvre lentement et difficilement le socialisme marxiste. C'est entre 1877 et 1880 que se fixe durablement sa pensée et qu'il met au point ses modes d'action.
Jules Guesde reçut une formation classique complète et la tradition veut que, dès onze ans, la lecture des Châtiments ait fait de lui un républicain et que celle de la Critique de la raison pure l'ait éloigné d'une religion, au reste modérée. À la fin de l'Empire, il se fait journaliste et part à Toulouse puis à Montpellier où, le 1er juin 1870, il devient secrétaire de rédaction du journal Les Droits de l'homme. Au commencement de la guerre franco-prussienne, il est condamné à six mois de prison pour avoir situé l'ennemi non sur le Rhin mais aux Tuileries.
Après avoir soutenu le gouvernement de la Défense nationale, Guesde s'indigne de l'armistice, ce « spectacle écœurant de la République vendue et livrée par des mains républicaines » et prend parti pour la Commune de Paris sans nullement la considérer comme une tentative socialiste, et sans y participer directement. En juin 1871, il s'exile à l'étranger où il restera jusqu'en 1876. Il rencontre en Suisse de nombreux communards proscrits et des membres connus de l'Internationale, notamment James Guillaume. L'horreur de la répression inspire son célèbre Livre rouge de la justice rurale ; la fréquentation de militants anti-autoritaristes fait de lui jusqu'en 1873 un anarchiste convaincu qui a définitivement rompu avec l'idéologie radicale et qui lutte, aux côtés des bakouninistes, contre l'« autoritarisme » de Marx.
À Milan, à partir de 1874, des lectures nouvelles et la connaissance directe du mouvement socialiste local commencent à infléchir sa pensée vers le socialisme, comme le montrent son Essai de catéchisme socialiste, qu'il faut sans doute dater de 1875, et son essai De la propriété, qui ne peut être antérieur à 1876. De retour en France, il va découvrir le marxisme grâce au cercle de jeunes gens du café Soufflet et à un journaliste allemand, Karl Hirsch. Il fonde alors le premier journal marxiste français, un hebdomadaire, L'Égalité, qui va paraître, non sans interruptions, de novembre 1877 à 1883. Lorsqu'en mai 1880 Guesde ira à Londres[...]
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Écrit par
- Madeleine REBÉRIOUX : professeur émérite à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
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