GUESDE JULES (1845-1922)
Le guesdisme : un parti d'un type nouveau
Jamais pourtant le Parti ouvrier n'utilisa cette appellation. Mais elle s'imposa en fait de bonne heure, ne fût-ce que pour aider à distinguer les camarades de Guesde des membres des autres organisations socialistes.
Les militants qui se sentaient en accord avec Guesde s'organisèrent en effet dès le début, comme Marx l'avait préconisé, en un parti qui se voulut d'un type nouveau. Le Parti ouvrier français naît officiellement au congrès du Havre (nov. 1880), mais, à la suite de rapides et successives scissions, on ne peut le dire « guesdiste » qu'à partir du congrès de Roanne (oct. 1882). Il conservera ses traits essentiels jusqu'à ce qu'il se fonde dans la S.F.I.O.
Sa période d'ascension dure jusqu'en 1893. De secte minuscule (pas plus de 2 000 membres en 1889), il se transformera en parti capable de conquérir, dès 1892, plusieurs grandes municipalités. Parti nouveau, il l'est d'abord par son objectif : être « l'instructeur et le recruteur » du socialisme révolutionnaire, ce qui suppose journaux, brochures et meetings. Il l'est aussi par son organisation : les « agglomérations » de base se fédèrent, un conseil national stable est responsable devant un congrès qui devient annuel. Il l'est encore par ses liens internationaux avec les autres partis socialistes, en particulier le Parti social-démocrate allemand. Il l'est enfin par ses militants : l'origine ouvrière de la majorité d'entre eux, leur dévouement total, la fameuse « discipline guesdiste » et jusqu'à leur costume.
Si les guesdistes sont convaincus de la nécessaire supériorité du parti sur les syndicats, au point de faire de la Fédération nationale des syndicats qu'ils contrôlent entre 1886 et 1894 un organisme subordonné, voué au corporatisme (ce qui déclenchera chez de nombreux travailleurs une incoercible méfiance à leur égard), il faut reconnaître cependant qu'il n'y eut jamais un seul, mais plusieurs guesdismes.
Non seulement les francs-maçons forment une véritable coterie dans le parti, mais encore on peut admettre l'existence, sur une base régionale, de deux guesdismes : un guesdisme du Nord à forte implantation ouvrière (métallurgie, verrerie, textile, peu dans les houillères), qui a progressé dans une population dépourvue souvent de vieilles traditions démocratiques et qui apparaît d'emblée comme l'organisateur de la lutte des classes ; un guesdisme du Midi, qui prend le relais d'un radicalisme décevant et dont les cadres appartiennent souvent à la petite, voire à la moyenne bourgeoisie.
La capacité des guesdistes à conduire de grandes batailles a souvent, et non sans raison, été mise en doute : ils n'ont pas mobilisé la classe ouvrière pour d'importantes réformes, ils n'ont que tardivement participé à l'affaire Dreyfus, ils ne sont pas parvenus à entraîner dans l'action la paysannerie pauvre, ils ont longtemps gardé une grande méfiance à l'égard de l'unité socialiste. En fait, lorsque Guesde et ses amis refusent de prendre la tête d'une bataille passagère, c'est en général parce que l'enjeu leur en paraît dérisoire en régime capitaliste et qu'ils croient plus utile de développer leur organisation. Surtout, le guesdisme a ses heures de sursaut : dans les années 1890, il a été l'organisateur des premières journées du 1er-Mai ; de 1889 à 1904, devant la montée du millerandisme et l'idéologie du Bloc des gauches, à l'appel de Guesde et de Paul Lafargue, il crée avec les blanquistes le Parti socialiste de France et exige, finalement avec succès, que l'unité socialiste se fasse sur la base de la condamnation de toute tactique participationniste.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Madeleine REBÉRIOUX : professeur émérite à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
Autres références
-
AMIENS CHARTE D' (1906)
- Écrit par Paul CLAUDEL
- 865 mots
Motion votée au IXe congrès confédéral de la C.G.T., tenu du 8 au 16 octobre 1906, la Charte d'Amiens est considérée comme le texte fondamental du syndicalisme révolutionnaire.
La C.G.T. avait été créée au congrès de Limoges en 1895 par la Fédération des Bourses du travail...
-
CACHIN MARCEL (1869-1958)
- Écrit par Paul CLAUDEL
- 747 mots
Né à Paimpol, d'un père gendarme et d'une mère de vieille souche paysanne, Cachin fait des études secondaires grâce à une bourse, puis prépare une licence de philosophie à la faculté de Bordeaux ; il y suit les cours de Durkheim. Il a vingt ans lorsqu'il rejoint le groupe des étudiants socialistes...
-
FAURE PAUL (1878-1960)
- Écrit par Paul CLAUDEL
- 482 mots
Né à Périgueux, Paul Faure vient très jeune au socialisme et adhère au Parti ouvrier français de Jules Guesde. Élu à la direction du parti, il y représente la Haute-Vienne, dont la fédération est des plus actives : en 1904, son organe, Le Populaire du Centre, est le seul journal...
-
PELLOUTIER FERNAND (1867-1901)
- Écrit par Paul CLAUDEL
- 334 mots
Fils d'un fonctionnaire des postes, Pelloutier est né à Paris. Il fait ses études au petit séminaire de Guérande puis au collège de Saint-Nazaire. Ayant échoué au baccalauréat, il se consacre au journalisme et collabore à un journal local, La Démocratie de l'Ouest, où il...