JANIN JULES (1804-1874)
Pour les critiques rigoureux du xixe siècle, le nom de Jules Janin est synonyme de négligence et d'opportunisme dans l'exercice du métier d'homme de lettres. De 1830 à 1874, Janin est critique littéraire au Journal des débats. Celui qu'on surnomma le « prince des critiques » tire gloire d'y avoir écrit deux mille deux cent quarante feuilletons hebdomadaires : « deux mille deux cent quarante sacs de papier, de vent, de niaiseries, de truquages », à en croire Thibaudet. Partisan déterminé de la monarchie de Juillet, fort richement payé et très sûr de lui, il sait user et abuser des pouvoirs qu'une presse en plein essor confère aux feuilletonnistes et aux critiques. D'une belle absence de principes, il ne défend les romantiques contre les traditionalistes (Nisard) que pour mieux les attaquer ensuite. Ce bavard, aimé du public louis-philippard, passe à l'époque pour brillant et plein d'humour. Pourtant, la collection de ses feuilletons publiée sous le titre d'Histoire de la littérature dramatique est aujourd'hui peu lisible, de même que les autres œuvres de cet intarissable polygraphe, auteur d'essais historiques (son Barnave eut un retentissement certain en 1831) mais aussi de contes et romans ; le plus célèbre de ces derniers, L'Âne mort ou la Femme guillotinée (1829), est une parodie, qui se veut cinglante et n'est que sotte, du Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo.
Mais le meilleur recours de Jules Janin contre l'oubli est d'avoir suscité l'une des plus justes fureurs de Baudelaire en 1865. Après avoir lu un article où « le prince des critiques » tançait Heine pour sa mélancolie et proposait la joyeuse humeur de Béranger en modèle à tous les poètes, Baudelaire écrivit le projet d'une Lettre à Jules Janin, que les progrès de la maladie l'empêchèrent d'achever et de publier mais qui reste l'un des textes capitaux pour la compréhension intime du romantisme : « Vous êtes un homme heureux. Je vous plains, Monsieur, d'être si facilement heureux. Faut-il qu'un homme soit tombé bas pour se croire heureux ! [...]. Ah ! vous êtes heureux, Monsieur. Quoi ! — Facile à contenter, alors ? — J'irai jusque-là que je vous demanderai si les spectacles de la terre vous suffisent. Quoi ! jamais vous n'avez eu envie de vous en aller, rien que pour changer de spectacle ! J'ai de très sérieuses raisons pour plaindre celui qui n'aime pas la Mort ! [...]. Ciel mélancolique de la poésie moderne. Étoiles de première grandeur. »
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Écrit par
- Claude BURGELIN : professeur émérite de littérature française, université Lyon-II
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