Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LAFORGUE JULES (1860-1887)

Le masque

Laforgue apparut d'abord comme un clown, et il faut dire qu'il a tout fait pour cela. Mieux que n'importe qui, il fut ce « Pierrot lunaire » dont parlait Albert Giraud. Dans une époque sevrée des vérités de l'âme et dangereusement ballottée entre les excès romantiques et les sécheresses du naturalisme, il fut de ceux qui cherchèrent désespérément une issue poétique au drame humain. La pudeur – une pudeur toute naturelle – lui fit endosser cet habit d'Arlequin qui lui seyait à merveille. On n'y vit d'abord que l'affectation. Déjà, en 1896, dans le Livre des masques, Remy de Gourmont écrivait : « Il avait trop froid au cœur ; il s'en est allé » et parlait de sa « glaciale affectation de naïveté ». Il est vrai qu'il lui rendait un peu justice à la fin, en déclarant : « Si son œuvre interrompue n'est qu'une préface, elle est de celles qui contrebalancent une œuvre. »

Les masques ont la vie dure. Jean Cocteau l'a su et l'a dit, qui fut longtemps considéré comme un fantaisiste et qui doit tant à Laforgue. D'Alfred Jarry à Jacques Prévert, la liste est longue des poètes qui, avec plus ou moins de pureté, ont voulu se masquer pour faire entendre, à un monde résolument tourné vers la prose, des vérités qui, étant celles de l'agneau, ne pouvaient être que murmurées. Aussi Laforgue passe-t-il, pendant longtemps, pour un simple amuseur, tant il est vrai qu'il mit d'humour, un humour personnel et grinçant, à ne pas dévoiler son âme :

 Et du plus loin qu'on se souvienne

 Comme on fut piètre et sans génie.

Quand Ariel prend le masque de Caliban, le monde se reconnaît assez en lui pour ne plus chercher Ariel sous le masque.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • IMPRESSIONNISME

    • Écrit par
    • 9 484 mots
    • 32 médias
    Cette philosophie prendra une singulière résonnance enfin dans l'âme du poète Jules Laforgue qui mourra en 1887 et dont les notes posthumes de critique d'art portent principalement sur l'impressionnisme. Chacun des grands mouvements esthétiques du xixe siècle et du début du xxe en France...
  • SYMBOLISME - Littérature

    • Écrit par
    • 11 859 mots
    • 4 médias
    Sans Jules Laforgue (1860-1887), le plus original de tous, on ne peut comprendre ni Le Grand Meaulnes ni Jean Cocteau. Le ton de dérision angoissée, la voix qui déraille sont uniques. L'un des « inventeurs » du vers libre, merveilleux poète, toujours déconcertant, et le plus émouvant de...