MARCOU JULES (1824-1898)
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La Pacific Railroad Survey et la première carte géologique des États-Unis
Sa notoriété aux États-Unis est telle qu’il est engagé en 1853 en tant que géologue et ingénieur des mines pour l’expédition de la Pacific Railroad Survey commandée par le lieutenant Amiel W. Whipple, ingénieur topographe. Elle suivra le 35e parallèle sur près de 3 000 kilomètres, du Mississippi au Pueblo de Los Angeles, et durera neuf mois.
C’est au cours de cette expédition, au mont Tucumcari, à une centaine de kilomètres à l’est d’Albuquerque, qu’il observe des couches semblables à celles de son Jura natal par la succession de leurs couleurs et la présence de fossiles – une gryphée ressemblant fort à la Gryphaea dilatata des terrains jurassiques de France et d’Angleterre. Il y reconnaît, un peu vite, le Keuper (Trias) et le Jurassique qu’il avait décrits dans son mémoire de la SGF. Ce Jurassique, indiqué pour la première fois aux États-Unis, est le point de départ d’une controverse musclée sur l’âge des fossiles, avec James Hall (1811-1898) et James D. Dana (1813-1895), qui les pensent crétacés. De fait, Marcou fonde sa stratigraphie davantage sur les faciès – aspect des couches caractéristique du paléoenvironnement – que sur les étages ou âges déterminés par l’ensemble des fossiles qu’ils contiennent. Il sait que le critère du faciès est de moindre importance, mais le juge plus pratique pour un géologue d’expérience – sous-entendu, comme lui ! Ce fut certainement une erreur.
« Trappeur-géologue », comme il aime à se qualifier, Marcou explore les montagnes Rocheuses en marge du parcours de l’expédition. Avec Whipple, il découvre en Arizona une forêt de bois pétrifié qui deviendra le Petrified Forest National Park et à proximité de laquelle l’United States Board on Geographic Names donnera son nom à une butte tabulaire – la Marcou Mesa. Partie le 15 juillet 1853 de Forth Smith, l’expédition atteint le Pacifique le 26 mars 1854. Marcou se rend à San Francisco et, en pleine ruée vers l’or, remonte le rio Sacramento et visite les mines de ce métal tant recherché. Il rentre à Boston le 28 mai 1854 en passant par l’isthme de Panamá, où il tombe malade.
Il souhaite retourner à Salins pour y recouvrer la santé. À la demande de Whipple, il rédige le résumé géologique des missions sur les 35e et 32e parallèles pour le rapport de la Pacific Railroad Survey. Sur un malentendu, deux jours avant son départ, le secrétariat de la Guerre, commanditaire de l’expédition, estimant que notes et échantillons appartiennent aux États-Unis, lui enjoint de terminer son rapport sur place. Marcou démissionne alors et embarque le 27 septembre 1854 avec son matériel. Sous la menace de poursuites judiciaires, Marcou retourne le tout. La rédaction du rapport est confiée à un certain William P. Blake, dont le produit final rend Marcou très mécontent.
En contrepartie, il publie en 1855, dans le Bulletin de la Société géologique de France, les deux rapports de mission et surtout sa « Carte géologique des États-Unis… » avec un « Profil géologique de Forth Smith (Arkansas) au Pueblo de Los Angeles (Californie) », c’est-à-dire du Mississippi au Pacifique, synthèse de ses propres travaux et de ceux des géologues américains et européens. Cette publication, en France, de la première carte géologique des États-Unis n’arrange en rien ses relations avec le gouvernement et les géologues américains.
Ces vicissitudes n’empêcheront pas que sa vie durant, il ne cessera de traverser l’Atlantique, entre les États-Unis et la France.
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Écrit par
- Françoise DREYER : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes
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Médias