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MARCOU JULES (1824-1898)

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Le temps des controverses

De retour à Cambridge en 1860, Marcou aide Agassiz à organiser le Museum of Comparative Zoology de l’université Harvard, et reprend ses courses géologiques en pleine guerre de Sécession. Il parcourt les Appalaches à la demande de Joachim Barrande (1799-1883), célèbre paléontologiste français exilé en Prusse. C’est le début de la querelle dite du Taconique (des monts Taconic, près de Boston) qui durera plus de vingt ans, querelle importante car portant sur l’âge de trilobites et sur la priorité du terme Taconique sur Cambrien.

En France, ses intérêts sont plus généraux. Si, à la requête de Pasteur, Marcou obtient la croix de la Légion d’honneur en 1867, cette reconnaissance survient à point nommé car, à côté de son activité scientifique proprement dite, il commence un travail sur les travers de la science et ses institutions en France. En 1865, le ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy, propose à Napoléon III le projet d'un ensemble de rapports sur les progrès de la science et ses défaillances, rédigés par des savants de renom, en vue de les présenter à l’Exposition universelle de 1867. Cette même année, Marcou a une longue conversation avec « Son Excellence le ministre de l’Instruction publique ». Duruy lui demande un rapport sur « tout ce que je pensais pouvoir être utile et applicable aux institutions, sans craindre de dire tout ce que je pense sur le Jardin des Plantes [le Muséum], la Sorbonne, le Collège de France, les Corps savants », racontera-t-il plus tard. Soupçonnant qu’il serait censuré, et souhaitant exprimer sa réflexion sans rien cacher, il décline l’offre, préférant adresser son rapport à « Son Excellence l’opinion publique, le plus compétent et le meilleur des juges ».

Son rapport, De la science en France, sort donc en 1869. Il devait être long de 500 à 600 pages sous forme de fascicules, mais sa publication est interrompue par la guerre de 1870. À son premier retour en France, il avait été « frappé par l’état de décadence, d’oubli, de négligence de la plupart des diverses branches de la science », par la sclérose des institutions françaises en comparaison des américaines, anglaises et allemandes. Il se montre à leur égard sans concessions et dénonce le cumul des positions, la cooptation, le rejet des savants étrangers ou exerçant en dehors du sérail... Lui, « géologue pratique », n’épargne jamais les « géologues de cabinet ». Il trace des portraits au vitriol des personnes en place, mais il est aussi porteur de propositions d’une étonnante modernité pour améliorer le fonctionnement de la science. Seulement, la critique est si violente qu’il ne se trouvera personne pour mettre en œuvre ces propositions ou même en admettre le bien-fondé.

Pourtant, malgré son esprit de controverse et son franc-parler, Marcou n’est pas sans souhaiter une certaine reconnaissance du monde institutionnel. Force est de constater que son rapport enterre définitivement son espoir d’entrer à l’Académie des sciences.

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Écrit par

  • : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

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Médias

Jules Marcou - crédits : Henri Bertand/ musée de la maison natale de Louis Pasteur - Dole

Jules Marcou

Carte géologique de la Terre, par Jules Marcou, 1861 - crédits : Bibliothèque de la Société Géologique de France

Carte géologique de la Terre, par Jules Marcou, 1861

Jules Marcou - crédits : ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv/ Fotograf: Unbekannt/ Portr_09635 ; Public Domain Mark

Jules Marcou