MURACCIOLE JULES (1906-1995)
« Jules Muracciole, c'est le dernier carré », cette phrase d'André Malraux à propos du secrétaire général de l'ordre de la Libération fut citée à sa mort, le 22 octobre 1995, par le général Simon, chancelier de l'Ordre, qui la compléta pour résumer l'engagement de ce grognard du gaullisme : dernier carré à Londres en juin 1940, dernier carré à Bir Hakeim, dernier carré des survivants.
Né à Sète, le 14 février 1906, Jules Muracciole, fils d'un contrôleur principal des Douanes, fait ses études à Marseille, où il devient journaliste et correspondant de divers journaux étrangers, dont le Daily Herald et le Daily Mirror. Entré dans l'administration marseillaise en mai 1937, il dirige le journal syndical La Voix des municipaux ; par ailleurs, il est aussi gardien de but de l'équipe de football de Marseille.
C'est la guerre qui va sceller son destin. Affecté au 7e bureau de la 59e brigade alpine, il est volontaire pour le corps expéditionnaire en Scandinavie. Rapatrié en France après la bataille de Narvik, il s'embarque pour l'Angleterre et rejoint, le 21 juin 1940, la poignée de volontaires qu'organise le général de Gaulle. Chef du secrétariat à l'état-major de celui que Churchill reconnaît, le 28, comme chef des Français libres, il participe à la vaine expédition de Dakar à l'automne. À partir de 1941, il prend part à toutes les campagnes de la 1re division française libre, en Érythrée, en Palestine, en Syrie et au Liban. En 1942, il est à Bir Hakeim, où il participe aux jock columns, raids motorisés sur les arrières des troupes de Rommel. Après El-Alamein et les campagnes de Tripolitaine et de Tunisie, il fait partie du corps expéditionnaire français en Italie. Mutilé après avoir été grièvement blessé devant Pontecorvo, le 23 mai 1944, il repart au combat en août et participe à la prise de Toulon, à la libération de Lyon, aux combats d'Alsace.
C'est naturellement qu'il est fait compagnon de la Libération, en qualité de lieutenant de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère (D.B.L.E.), le 28 mai 1945. Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1940, il est récompensé pour s'être signalé « de manière exceptionnelle dans l'œuvre de libération de la France et de son empire ». Doublement compagnon, puisque la 13e D.B.L.E. est l'une des dix-huit collectivités militaires faites compagnon, Jules Muracciole dès lors ne quitte plus l'Ordre et son unique grand maître, Charles de Gaulle. Secrétaire général du club du 18-Juin, il adhère au Rassemblement du peuple français, dont il est délégué régional à la propagande dans le Sud-Est. Sous la Ve République, il sera attaché de presse du ministre Louis Terrenoire puis chargé de la revue de presse matinale au cabinet du Premier ministre jusqu'en 1974.
Mais, à partir de janvier 1962, et pendant trente-deux ans, Jules Muracciole est surtout secrétaire général de l'ordre de la Libération. Il assure l'installation de ses locaux dans l'hôtel des Invalides, où Odette Hettier de Boislambert et Michelle Michel organisent le musée de l'institution. Présent à toutes les cérémonies, il assure le lien entre les survivants, les cinq communes faites compagnon (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein) et les familles des compagnons disparus, puisque 238 croix sur 1 059 avaient été décernées à titre posthume et que 105 récipiendaires étaient morts pour la France après leur entrée dans l'Ordre. Il se fait porteur de la mémoire de tous ces volontaires, ces témoins dont Malraux saluait le courage et l'acharnement en assurant que, lorsque le corps du dernier compagnon serait descendu dans la crypte du mont Valérien, « avant que l'éternelle histoire se mêle à l'éternel oubli, l'ombre étroite qui s'allongerait lentement sur la France aurait encore la forme[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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