Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RENARD JULES (1864-1910)

Le retour au village

Son installation à « la Gloriette », en 1896, lui a fait reprendre contact avec la terre et les paysans. Attiré par le socialisme, lié avec France, Jaurès et Blum, il se sent une âme d'apôtre. Ardent dreyfusard, antimilitariste et anticlérical, il mène dans L'Écho de Clamecy le combat pour son idéal laïc et républicain (Mots d'écrit, 1908, et Causeries, 1910). Il fait des conférences aux paysans et aux instituteurs. Délégué cantonal, il est élu conseiller municipal de Chaumot (1900), puis maire de Chitry (1904, réélu en 1908). Le contact est difficile. Si, à Paris, il est « paysan du Danube », à Chitry, il est « le Monsieur de Paris » ou « Monsieur Jules ». Mais, du moins, il observe ses « frères farouches », qu'il est si difficile de comprendre et d'aider, et décrit leurs mœurs dans une série de textes (Le Vigneron dans sa vigne, éd. augm. 1901 ; Bucoliques, éd. augm. 1905) et surtout dans Ragotte (1908), où il grave, sans images et sans humour, la vie d'une humble domestique, la sienne, et de son mari, le jardinier Philippe, et qui est un chef-d'œuvre de vérité et d'émotion secrète. Mais, prématurément vieilli, il se sent de plus en plus las. Il préside, le 15 février 1910, sa dernière séance du conseil municipal de Chitry, rentre à Paris pour se mettre au lit et mourir, dans le modeste appartement où il a vécu depuis son mariage. Il a noté dans son Journal, avec un mélange de satisfaction et d'amertume : « D'ailleurs, j'ai fini. Je pourrais recommencer et ce serait mieux, mais on ne s'en apercevrait pas. Il vaut mieux mettre fin. » On l'enterra à Chitry, civilement.

Rongé par le scrupule, Renard n'était jamais content. Il n'en avait pas moins conscience d'être devenu l'écrivain qu'il se proposait d'être : celui du mot juste et mis à sa place. Rien à ajouter ; rien à retrancher. Il conserve des admirateurs fervents, à l'étranger comme en France. Mais on le prend souvent pour un humoriste professionnel (alors qu'il exprime simplement l'humour, féroce ou cocasse, de la vie) et l'on connaît surtout le créateur de Poil de carotte et de Mme Lepic, le chasseur d'images d'Histoires naturelles, que gâtent parfois l'esprit ou la préciosité, le Théâtre et le Journal. Mais c'est dans Le Vigneron, Bucoliques et Ragotte qu'on trouvera les meilleures pages, les plus humaines et les plus sobres, de ce poète en prose.

— Léon GUICHARD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Jules Renard - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Jules Renard

Autres références

  • SYMBOLISME - Littérature

    • Écrit par
    • 11 859 mots
    • 4 médias
    ...faite à la vie littéraire. Ainsi l'historien est-il autorisé à parler d'un système symboliste des lettres françaises, duquel nul ne peut s'abstraire. On peut lire Poil de carotte sans penser à Mallarmé, mais non L'Écornifleur sans deviner une situation de la littérature propre à ce temps – et...